Villetaneuse : l'architecture pour réparer la ville
Villetaneuse
Petit bourg plâtrier, rien ne prédestinait Villetaneuse à être la ville qu’elle est devenue. Depuis le 20ème siècle, elle s’est métamorphosée, en multipliant sa population par quinze et en faisant appel à des architectes utopistes et ambitieux.ses.
Ce parcours a été réalisé en partenariat avec :
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Aperçu du parcours
Le Château-Laurent
Une trace rare du vieux village de Villetaneuse
Le Château-Laurent à Villetaneuse © Martin Argyroglo
Un témoignage de l’industrie plâtrière
Cette maison bourgeoise est construite dans un style de manoir anglo-normand. Sa façade richement décorée et son faste tranchent avec l’aspect général des constructions modernes qui l’entourent. Elle est surnommée le “Château-Laurent” du nom d’un riche notable qui aurait possédé des carrières de gypse à Villetaneuse. Le gypse est une roche sédimentaire communément appelée “pierre à plâtre”, répandue dans le bassin parisien, et appréciée dans la construction pour ses vertus ignifuges. En 1666, le roi Louis XIV effrayé par la possibilité d’un incendie obligera les propriétaires à recouvrir leurs bâtiments d’un enduit au plâtre et entrainant l’intensification de son extraction.
Carrières de Plâtre à Villetaneuse – carte postale © Wikimedia
Un élément essentiel du développement économique de la ville
Cet “or blanc” se trouve en grande quantité à Villetaneuse sur les flancs de la Butte-Pinson et les carrières y emploieront jusqu’à 150 personnes. Cette industrie prospère périclitera progressivement à partir de 1900 quand le gouvernement prend la décision de faire progressivement fermer les carrières dont les galeries étaient facteurs de risque. A Villetaneuse, le gypse sera exploité jusqu’en 1950 et les carrières progressivement comblées : son exploitation reste indissociable de l’histoire de la ville. Le Château-Laurent est l’un des rares bâtiments témoignant du vieux bourg de Villetaneuse, aujourd’hui quasiment entièrement détruit, situé autour d’une rue principale qui correspond
Rue de Paris, aujourd’hui Rue Salengro à Villetaneuse © Wikimedia
Un ancien centre-ville disparu
Les maisons du vieux Villetaneuse sont des logements de facture très modeste, construits dans un plâtras de mauvaise qualité. Mal entretenues, elles deviendront progressivement des logements vétustes qui seront détruits progressivement par de larges opérations de résorption de l’habitat insalubre tout au long de la deuxième moitié du 20ème siècle. Fortement endommagé, le dernier îlot rescapé du vieux-centre, surnommé ”îlot de la boulangerie”, est détruit en 2009. Affilié à l’École de Paris, le peintre Maurice Utrillo peint en 1907 « L’église de Villetaneuse » (aujourd’hui détruite). Du paysage de petit bourg francilien représenté sur son tableau, il ne reste presque plus rien. Le village, qui comptait seulement 643 habitants en 1896, est devenu une ville de plus de 13.000 âmes.
L’Église de Villetaneuse peinte par Maurice Utrillo (1913) © Galleria d'Arte Maggiore G.A.M.
Le Château-Laurent
Une trace rare du vieux village de Villetaneuse
Le Château-Laurent à Villetaneuse © Martin Argyroglo
Un témoignage de l’industrie plâtrière
Cette maison bourgeoise est construite dans un style de manoir anglo-normand. Sa façade richement décorée et son faste tranchent avec l’aspect général des constructions modernes qui l’entourent. Elle est surnommée le “Château-Laurent” du nom d’un riche notable qui aurait possédé des carrières de gypse à Villetaneuse. Le gypse est une roche sédimentaire communément appelée “pierre à plâtre”, répandue dans le bassin parisien, et appréciée dans la construction pour ses vertus ignifuges. En 1666, le roi Louis XIV effrayé par la possibilité d’un incendie obligera les propriétaires à recouvrir leurs bâtiments d’un enduit au plâtre et entrainant l’intensification de son extraction.
Carrières de Plâtre à Villetaneuse – carte postale © Wikimedia
Un élément essentiel du développement économique de la ville
Cet “or blanc” se trouve en grande quantité à Villetaneuse sur les flancs de la Butte-Pinson et les carrières y emploieront jusqu’à 150 personnes. Cette industrie prospère périclitera progressivement à partir de 1900 quand le gouvernement prend la décision de faire progressivement fermer les carrières dont les galeries étaient facteurs de risque. A Villetaneuse, le gypse sera exploité jusqu’en 1950 et les carrières progressivement comblées : son exploitation reste indissociable de l’histoire de la ville. Le Château-Laurent est l’un des rares bâtiments témoignant du vieux bourg de Villetaneuse, aujourd’hui quasiment entièrement détruit, situé autour d’une rue principale qui correspond
Rue de Paris, aujourd’hui Rue Salengro à Villetaneuse © Wikimedia
Un ancien centre-ville disparu
Les maisons du vieux Villetaneuse sont des logements de facture très modeste, construits dans un plâtras de mauvaise qualité. Mal entretenues, elles deviendront progressivement des logements vétustes qui seront détruits progressivement par de larges opérations de résorption de l’habitat insalubre tout au long de la deuxième moitié du 20ème siècle. Fortement endommagé, le dernier îlot rescapé du vieux-centre, surnommé ”îlot de la boulangerie”, est détruit en 2009. Affilié à l’École de Paris, le peintre Maurice Utrillo peint en 1907 « L’église de Villetaneuse » (aujourd’hui détruite). Du paysage de petit bourg francilien représenté sur son tableau, il ne reste presque plus rien. Le village, qui comptait seulement 643 habitants en 1896, est devenu une ville de plus de 13.000 âmes.
L’Église de Villetaneuse peinte par Maurice Utrillo (1913) © Galleria d'Arte Maggiore G.A.M.
Le Vieux-Pays
Une architecture engagée emblématique
Vue d'ensemble du Vieux-Pays - Jean Renaudie © Martin Argyroglo
L’urgence de construire
A la sortie de la seconde guerre mondiale, Villetaneuse élit à 28 ans Pierrette Petitot, résistante et communiste, qui sera l’une des premières femmes maires de France. Pendant trente-deux ans, elle accompagnera les nombreuses transformations de sa ville et fera du logement l’un de ses principaux combats. Présentée à l’architecte Jean Renaudie, elle lui confiera en 1976 le soin de mener une opération de résorption de l’habitat insalubre sur la partie de la plus ancienne de la commune. Le programme devait comprendre 200 logements locatifs PLA (prêt locatif aidé), un foyer de personnes âgées et des surfaces commerciales. Jean Renaudie (1925-1981), formé aux Beaux-Arts de Paris, est l’un des architectes les plus marquants de sa génération. Au sein de l’Atelier de Montrouge ou de son atelier indépendant, fondé avec Nina Schuch, il développera pendant toute sa carrière une architecture basée sur la combinatoire, l’aléatoire et la prolifération. S’ajoutant à une liste d’opérations célèbres comme la modernisation du centre-ville d’Ivry avec Renée Gailhoustet, le “Vieux-Pays” à Villetaneuse est sa dernière réalisation, inachevée suite à son décès. Elle sera inaugurée en 1982.
Pierrette Petitot, maire de Villetaneuse de 1945 à 1977 © Mémoires d'Humanité / Archives départementales de la Seine-Saint-Denis
Un modèle expérimental de logement social
Résolument engagée, l’architecture proposée par Jean Renaudie et Nina Schuch au “Vieux-Pays” est une réponse au modèle moderne défendu par Le Corbusier dans “La Charte d’Athènes”. Loin de la rationalité clinique des grands ensembles, ils développent une architecture complexe et presque organique pour produire “un cadre de vie et un environnement dans lequel les habitants des villes et des campagnes ne seront plus spectateurs mais des acteurs”. Les îlots du Vieux-Pays sont parcourus de rues intérieures, de cours et abritent parfois des théâtres de verdure destinés à favoriser les rencontres et la sociabilité. Les bâtiments sont fortement reconnaissables à leurs angles aigus très expressifs et leurs traitements en bétons brut et blanc. Les toitures sont végétalisées assurant aux habitants de ces logements aidés d’avoir un jardinet.
Coeur d'îlot du Vieux-Pays © Sodedat 93 - Institut Français d'Architecture
Une œuvre inachevée
Le décès de Jean Renaudie en 1981 intervient avant la fin des travaux, qui seront assurés par son fils Serge Renaudie, sa compagne Nina Schuch et deux collaborateurs. Sa disparition précoce limitera le développement à 4 îlots : le projet initial devait être beaucoup plus large, intégrant une mairie et des équipements publics, et aller jusqu’à enjamber les voies de chemin de fer. Mal entretenue et mal comprise, la cité vieillira prématurément et sera même menacée de démolition en 2002. Elle sera sauvée de justesse, suite à l’intervention d’un collectif d’architectes et d’élus soucieux de préserver cette cité utopique et d’éviter toute “perte patrimoniale”. • 1e tranche : 77 logements PLA - 70 logements RPA pour personnes âgées, bibliothèque de quartier de 600m² de commerces. • Organisme aménageur : SODEDAT 93 • Maîtrise d'ouvrage : OCIL 93 • Organisme aménageur : SODEDAT 93 • Maîtrise d'ouvrage : la Sablière.
Croquis préparatoire © jeanrenaudie.fr
En écoute
Sabrina Bresson – sociologue & chercheuse à l’ENSA-Val de Seine Sabrina Bresson est sociologue, enseignante chercheur à l’école nationale d’architecture Paris Val de Seine. Elle a consacré sa thèse aux ensembles réalisés par les architectes Jean Renaudie et Renée Gailhoustet, qu’on appelle aussi les cités Étoiles, que ce soit à Ivry-sur-Seine, à Villetaneuse ou à Givors. Elle a notamment effectué une enquête auprès des habitants pour connaître les usages de ces logements atypiques, pensés comme tel.
Un témoignage recueilli par Justin Morin pour les CAUE d’Île-de-France.
La ZAC du Centre-Ville
Un nouveau centre pour une ville jeune La Mairie de Villetaneuse © Martin Argyroglo
Un nouveau centre urbain pour Villetaneuse
Le décès prématuré de Jean Renaudie a stoppé le développement de son projet urbain pour Villetaneuse. Sur les croquis initiaux, les étoiles du Vieux-Pays devaient s’étendre plus au sud jusqu’à chevaucher les voies de chemin de fers et pénétrer dans l’université. Pour les aménageurs, il reste un chantier de taille dans les années 1980 : rénover et donner un nouveau centre-ville à Villetaneuse. Les rares maisons restantes du vieux bourg de Villetaneuse sont déclarées insalubres et elles seront progressivement détruites pour être remplacées par des ensembles de logements, confiés à des architectes connus pour leur fort engagement social. Ces transformations seront effectuées dans le cadre de la Z.A.C (zone d’aménagement concerté) du centre-ville, inscrite dans le cadre de l’opération Banlieue 89 lancée par Roland Castro et Michel Cantal-Dupart pour l’amélioration de l’urbanisme des banlieues en France. Sa coordination sera attribuée à Nina Schuch qui signera également la nouvelle mairie de Villetaneuse, au coeur du quartier.
La Mairie de Villetaneuse © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
La place de l’hôtel de ville de Jean-Maur Lyonnet
Les immeubles de Jean-Maur Lyonnet (1991), en face de l’hôtel de ville, se remarquent facilement avec leur esthétique de maisons de pain d’épice. Lyonnet, principal collaborateur en France de l’architecte Oscar Niemeyer (siège du Parti Communiste à Paris, le Volcan au Havre), propose un ensemble urbain qui conjugue un parti pris ludique et une certaine monumentalité. Les façades en pignon à échelons, inspirés de l’architecture gothique d’Europe du Nord, placent symboliquement la ville comme la première étape d’une longue route vers les Flandres. Les façades, réhaussées de cadres de baies aux couleurs unies surplombent des locaux d’activités sous les arcades. Les 78 logements proposés bénéficient tous d’entrées individuelles, situées à l’arrière de la place, qui rapprochent ces derniers d’une typologie d’immeubles de bourgs classiques. Un ensemble de ruelles intérieures végétalisées par les habitants dessert l’ensemble. Les logements proposés dans la “cité Lyonnet” sont tous traversants ou multi-orientés. De nombreux appartements sont proposés en duplex, avec des salons-cathédrales transformables facilement en pièces supplémentaires. Les escaliers extérieurs, aux couleurs franches inspirées par ses années Niemeyer, ont aujourd’hui perdu leurs couleurs d’origine. On retrouve sur les murs les symboles signatures de Lyonnet : le coeur et l’étoile qui jalonnent toutes ses réalisations en solo.
Place de l’Hôtel de Ville à Villetaneuse © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
La dernière réalisation de Renée Gailhoustet
Décédée en 2023, Renée Gailhoustet est majoritairement connue pour la transformation du centre-ville d’Ivry-sur-Seine (94) et pour la réalisation de la cité de la Maladrerie à Aubervilliers (93). Elle y développe des structures d’habitats proliférants et pyramidaux. A l’invitation de la SODEDAT 93, elle réalise dans la ZAC du Centre-Ville un immeuble circulaire situé à côté de la mairie, entre 1993 et 1995. Il se rapproche plus d’une conception classique de l’immeuble que des structures combinatoires présentes dans ses principales réalisations. Les façades sont construites à l’aplomb et seul le dernier étage propose un duplex, pourtant caractéristique de son architecture. L’immeuble circulaire de Villetaneuse possède pourtant certains nombreux détails significatifs de la production de Renée Gailhoustet : la présence de ponts habités au-dessus des voies et de terrasses végétalisées. Son traitement en brique, rappelant l’architecture hollandaise, s’explique par un voyage effectué par l’architecte quinze ans plus tôt et qui l’a profondément marquée. L’immeuble circulaire de Villetaneuse est sa dernière réalisation construite.
Immeuble circulaire – Renée Gailhoustet © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
La Mairie de Villetaneuse
La Mairie de Villetaneuse © Martin Argyroglo
Une mairie pour le XXIe siècle. Une réalisation de Nina Schuch (1993)
En 1982, dans le cadre de la ZAC du centre-ville, il est prévu de remplacer la mairie existante, construite quand la population de la ville était 20 fois plus réduite, pour la remplacer par une réalisation moderne confiée à l’architecte Nina Schuch (1932-2018). Compagne de Jean Renaudie et cosignataire de nombreuses de ses réalisations, elle n’a signé en son nom propre que deux réalisations : la médiathèque d'Ivry et la mairie de Villetaneuse. Cette dernière réalisation rompt avec les lignes abruptes des “cités-étoiles” pour affirmer une signature architecturale aux lignes pures et courbes.
Illustration « Points de Repères » du CAUE 93 © CAUE 93
Un “bâtiment-signal” Achevée en 1993, la mairie de Villetaneuse est un bâtiment qui se voit de loin : c’est un repère urbain visible de chaque côté des rails qui coupent la ville en deux. C’est un bâtiment qui se veut massif ce qui est motivé, selon le maire de l’époque, par la volonté que “le service public (…) trouve un logement à sa mesure”. D’aspect sobre à l’extérieur, on constate en s’approchant la palette de matériaux utilisés : aluminium, verre-miroir, vitres et pare-soleils. Vaste et aérée, elle s’inscrit dans une veine formelle proche de celle de Jean Nouvel, et semble avoir fait sienne sa devise “une belle pièce, c’est une grande pièce ».
L’entrée principale de la mairie © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
Une architecture réversible et high-tech
La construction de la mairie de Villetaneuse coïncide avec la généralisation de l’informatique dans les institutions publiques. Ainsi, dès sa construction, l’architecture intègre dans son plan la circulation de fibres optiques destinées à permettre la mise en réseau. L’obsession de la circulation de l’information est constante dans le plan : les plateaux de travail sont conçus ouverts ou semi-ouverts, les cheminements sont clairs pour le public, etc. Enfin, le plan est largement réversible et adaptable. Il peut être remodelé en fonction de l’évolution des fonctions de la mairie.
Plan désossé de la Mairie © CAUE 93
La passerelle de Villetaneuse
Une passerelle piétonne pour réparer la ville
Passerelle piétonne - DVVD Architectes © Martin Argyroglo
Une contrainte ferroviaire historique
Dès la révolution française, les carnets de doléances signalent que le vieux bourg de Villetaneuse est mal desservi par les transports. Au XIXème siècle, l’arrivée du train avec la création de la grande ceinture ferroviaire parisienne semble amorcer un désenclavement de la ville : il n’en sera rien. Le trafic de voyageur sera arrêté à la veille de la seconde guerre mondiale, la ville de Villetaneuse se structurera avec comme contrainte d’être coupée en deux par des rails. L’emprise ferroviaire de Villetaneuse sépare la ville : le centre-ville au nord et les nouveaux quartiers au sud. La résorption de cette fracture urbaine sera au cœur du premier projet de Jean Renaudie qui souhaitait que son architecture proliférante finisse par recouvrir les voies de chemin de fer. Il décèdera avant d’avoir pu mener ce projet à bien.
Plan d’implantation © DVVD arch
Une passerelle pour recoudre la ville
Dès les années 1990, les aménageurs commencent à tabler sur un projet de réaménagement global de la zone. Il passera notamment par la reprise d’un trafic voyageur avec l’arrivée de la ligne de tram T11 qui circule sur les rails de l’ancienne grande ceinture de la région parisienne. La transformation la plus visible du quartier reste la réalisation de la passerelle piétonne, inaugurée en juin 2012. Cette prouesse d’ingénierie de 150 mètres de portée relie trois points stratégiques : l’Université, le Centre-Ville et la nouvelle gare de tram. Financée par l’EPA Plaine de France, la passerelle a été réalisée par l’agence DVVD, spécialisée dans les ouvrages d’art à l’ingénierie complexe.
Passerelle de nuit © DVVD arch
Un marqueur architectural pour le XXIeme siècle
Sa forme évoque celle d’une feuille qui se déplie, protégeant les passagers de la pluie et empêchant toute chute sur les voies. Malgré sa grande taille et des contraintes techniques lourdes, elle est un ouvrage élégant et dotée d’une certaine légèreté. Elle est recouverte d’un bardage bois en ipé du brésil. Aujourd’hui, la passerelle de Villetaneuse est devenue un marqueur architectural de la ville et le symbole de la réunification en cours des deux parties de la ville. Elle est également, par sa connexion au tram T11, intégrée sur une ligne qui relie Villetaneuse à deux autres pôles dynamiques : le cluster aéronautique du Bourget et celui de la création de Saint-Denis Pleyel.
Sur la passerelle piétonne © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
En écoute
Daniel Vaniche, architecte et président de l’agence DVVD Daniel Vaniche est architecte et ingénieur, président de l’agence DVVD. L’enjeu de cette passerelle, c’était de recoudre la ville de Villetaneuse, mais pas n’importe comment.
Un témoignage recueilli par Justin Morin pour les CAUE d’Île-de-France
L’Université de Villetaneuse - Paris 13
Une ville-nouvelle universitaire née durant les Trente Glorieuses
Bibliothèque de l’Université Paris 13 © Martin Argyroglo
Un projet de ville-nouvelle universitaire ambitieux
Héritière d’une histoire de centralisation, Paris apparait au cours du XXème siècle comme une ville étouffée et trop dense. Après la seconde guerre mondiale est lancée une politique de réaménagement de l’Île-de-France qui s’articulera autour du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (SDAURP) à partir de 1965. Ce plan d’aménagement global prévoit la création de villes-nouvelles, d’un réseau autoroutier francilien, d’un réseau de transports en commun moderne (RER) et de nouveaux pôles universitaires. Paul Delouvrier, haut-fonctionnaire qui fut le principal artisan de cette politique, découvre le site de Villetaneuse lors d’un repérage en hélicoptère. Séduit par ces larges étendues de vergers, il lancera en 1966 un concours pour y bâtir une « véritable ville universitaire » qui ne se limitera pas à la création d’un simple campus. Le projet initial devait couvrir un millier d’hectares, sur 4 communes (Villetaneuse, Deuil-la-Barre, Montmagny, Groslay) situées en Seine-Saint-Denis et dans le Val d’Oise. A Villetaneuse, ce n’est rien de moins que la première université technologique de France que l’Etat souhaite construire originellement. L’université de Paris XIII peut étendre largement ses bâtiments dans un site boisé : elle s’oppose en cela aux locaux exigus de la Sorbonne situés à Paris intra muros.
Plan-masse de l’opération © Le Carré Bleu
Une université qui s’ouvre sur la ville
C’est le projet du duo d’architectes Adrien Fainsilber et Högna Sigurðardóttir-Anspach qui sera retenu. Leur projet consiste à ouvrir l’université pour que ses aménités soient partagées avec les habitants des villes voisines. Leur projet initial d’aménagement évoque ainsi des “théâtres, salles de sports, magasins, galeries d'exposition, bibliothèques, bureaux, restaurants, amphithéâtres…”. L’université n’est pas conçue comme un campus autonome mais comme un prolongement du tissu urbain. La première tranche de l’université est construite en 1970 sur un plan orthogonal assez simple en recourant largement à des matériaux préfabriqués installés à l’aide de chemin de grues. L’université est également dotée d’espaces modulaires, pouvant être modifiés en cas d’évolution de la discipline. L’université reste à taille humaine avec des hauteurs assez réduites. On trouve des espaces de rencontres disséminés dans l’université sous forme de petits théâtres où les étudiants peuvent se regrouper.
La trame orthogonale de l’université © Fainsilber & Anspach, Electa Editions
Un projet inachevé
Dans les faits, le projet sera bien plus réduit que prévu : le campus se limitera à 70 hectares seulement, les crédits se réduiront et les liaisons ferroviaires prévues n’arriveront jamais (RER, prolongement de la ligne 13 du métro). Isolée et atrophiée, l’université de Villetaneuse souffrira beaucoup de son enclavement et de la paupérisation de la cité Salvador-Allende voisine (initialement prévue pour les personnels de l’université par Fainsilber). Au début de la décennie, il est confié à l’architecte-urbaniste Christian Devillers d’établir un plan (non réalisé) pour réparer la liaison entre la ville et son campus. En 2003 avec la création de la communauté d’agglomération Plaine Commune, un projet urbain d’ampleur reprenant les conclusions de Devillers, se dessine avec l’arrivée de deux liaisons de tramway (T8, T11), la restructuration de la Cité Salvador-Allende et la création d’une passerelle ferroviaire entre l’université et le centre-ville de Villetaneuse.
Bibliothèque Universitaire de Paris 13 – Campus de Villetaneuse © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
Högna Sigurdardóttir-Anspach : une pionnière
Si l’œuvre d’Adrien Fainsilber est connue (notamment la Cité des Sciences et la Géode de la Villette, le musée des Beaux-Arts de Strasbourg, etc.) c’est moins le cas de celle d’Anspach à qui il était associé pour la-réalisation du concours de Villetaneuse. D’origine islandaise, elle étudiera l’architecture à l’Académie des Beaux-Arts de Paris et sera la première femme de l’histoire du pays à devenir architecte. Elle effectuera une grande partie de sa carrière en France.
Vue du campus depuis le tramway © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
La Cité Salvador-Allende
Une architecture utopique au destin mouvementé
Cité Salvador-Allende © Martin Argyroglo
Une extension de l’université
La Cité Salvador-Allende a été construite en 1970, selon les plans d’Adrien Fainsilber, le co-concepteur de l’Université voisine. Ce quartier d’habitation est conçu comme étant une extension de l’université et devait initialement accueillir son personnel ainsi que certains de ses étudiants. Les bâtiments initialement dessinés étaient tous reliés entre eux par trois passerelles extérieures à 8, 12 et 24 mètres de hauteur permettant de relier l’ensemble de la cité Salvador-Allende. Ce dispositif de passerelles, selon les plans de Fainsilber, était destiné à être ensuite connecté à de futurs aménagements : parc urbain, écoles, centre-ville, etc.
Passerelles extérieures avant démolition © Fainsilber, Electa Editions
Un projet urbain contrarié
Le centre universitaire de Villetaneuse sera finalement plus réduit que le projet initial : ces projets de liaison ne furent pas réalisés. La Cité Salvador-Allende n’a pas été connectée au reste de la ville et prit vite des airs de “forteresse isolée” ou de “château fort”. Son isolement et sa dégradation progressive, poussèrent à envisager sa démolition totale avant que soit adopté un projet de restructuration et de réhabilitation. C’est le projet de redynamisation du pôle universitaire qui lancera la rénovation de la zone et permettra la sauvegarde de la cité Salvadore-Allende. Avec l’arrivée des lignes de tramways T8 et T11 et la création de la passerelle piétonne, elle est enfin sortie de son isolement urbain total.
Vue des circulations extérieures © Fainsilber, Electa Editions
Une cité transformée
En 2004, de lourds travaux de réaménagement furent entamés par les frères Serge et Lipa Goldstein, architectes basés en Seine-Saint-Denis et connaisseurs du travail de Fainsilber. Leur travail ne se limite pas à une simple opération de rénovation mais un réaménagement complet des espaces et l’ouverture d’une rue au cœur de la cité. Considérées comme des vecteurs d’insécurité et favorisant les trafics, les passerelles furent supprimées entre les immeubles et converties en espaces privatifs personnels. Cinq des barres furent également détruites pour dé-densifier la cité, qui se pare désormais de nouvelles couleurs (gris, rouge, aluminium) mettant en valeur les espaces en duplex et les espaces extérieurs.
Un ensemble totalement rénové et transformé © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
La Tour des jeunes mariés
Un bâtiment insolite à la vocation sociale de Martine et Philippe Deslandes (1972)
Pied de la Tour des jeunes mariés © Martin Argyroglo
Un logement pas comme les autres
Martine Deslandes et son conjoint Philippe Deslandes ont conçu en 1972 la tour dite des Jeunes-Mariés (ou des jeunes célibataires). Elle doit son nom à son objet initial : elle est initialement destinée à des stagiaires qui arrivaient dans la région parisienne pour des durées courtes. Aujourd’hui, la tour accueille également des familles dans les 121 appartements qu’elle abrite. Les logements, de deux ou trois pièces, sont loués déjà meublés avec un mobilier sur mesure adapté à son plan insolite. Cette tour est l’une des trois réalisées sur ce même modèle : on en trouve une copie à Noisiel (Seine-et-Marne) et à Cergy-Pontoise (Val-d'Oise). Le couple Deslandes est très lié aux villes-nouvelles : la réalisation de cette tour à proximité du nouveau campus universitaire, créé ex nihilo dans les années 1960, s’inscrit dans ce cadre.
Vue de l’entrée © Hugo Trutt/Caue Îlde-France
La poésie du plan
Il faut mettre les courbes convexes et concaves de sa façade en regard de la production des grands ensembles qui lui sont contemporains. En refusant l’angle droit pour lui préférer un “plan en marguerite”, les époux Deslandes s’inscrivent dans une contestation des principes d’aménagement de Le Corbusier qui prévalaient alors. Cette forme utopique est à relier à la production d’architectes comme Émile Aillaud (concepteur des tours Nuages à Nanterre ou de la cité de l’Abreuvoir à Bobigny) qui souhaitait apporter une vision plus “poétique et culturelle” à l’architecture.
Plan de niveau © Agence Deslandes Arch
Martine Deslandes, une pionnière
Née en 1931, Martine Deslandes est diplômée en architecture dans les années 1950 à une époque où les femmes restent très rares et sont mal perçues par une partie de la profession. Si elle n’est pas inscrite à l’ordre des architectes, elle travaillera sur l’ensemble des projets de l’agence bien qu’elle n’en a pas signé officiellement les projets. En 1988, après le décès accidentel de son mari, elle s’assurera seule de l’achèvement des chantiers.
La CCI de l’Essonne (1991) – Philippe & Martine Deslandes (Martin Argyroglo / Caue d’Île-de-France) Un ensemble totalement rénové et transformé ©
Jardins Ouvriers Villetaneuse Joncherolles
Un lieu de respiration emblématique de la culture ouvrière
Les jardins ouvriers © Martin Argyroglo
Les jardins ouvriers, un patrimoine populaire
La Seine-Saint-Denis a longtemps abrité la plus grande plaine maraîchère de France : “la Plaine des Vertus”. Si le département a été radicalement densifié et urbanisé durant le siècle dernier, on y retrouve de nombreux jardins familiaux, de jardins ouvriers et de nombreux projets d’agriculture urbaine. Les jardins ouvriers ont été créés pour la plupart à la fin du XIXème siècle, à proximité de quartiers populaires, dans le sillage de la “ligue du coin de terre et du foyer” de l'abbé Lemire. Ce dernier a promu une doctrine “terrianiste” visant à “rattacher l’homme au sol” en encourageant le travail au jardin.
Caricature de l'Abbé Lemire dans "Les hommes du Jour", Novembre 1909 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque Nationale de France
Villetaneuse, une ville verte ?
L’association des Jardins ouvriers des Joncherolles, créée en 1968, regroupe 490 jardins répartis à mi-chemin sur les communes de Pierrefitte-sur-Seine et Villetaneuse. L’association est l’une des trois plus grandes de ce type sur l’ensemble du département. Gérées par d’autres associations, on retrouve des jardins de ce type à de nombreux autres endroits de la commune. Pour une cotisation annuelle d’une cinquantaine d’euros par mois, les jardiniers se voient confier une parcelle avec l’obligation de l’entretenir. L’association développe à l’année une programmation sociale et conviviale pour développer les liens entre les adhérents et mieux faire connaître ces espaces.
Vue depuis le chemin des Joncherolles © Hugo Trutt/Caue Île-de-France
Une agriculture citoyenne aux marges des villes
Les jardins ouvriers sont intégrés durablement dans les régimes alimentaires des adhérents. Exploités individuellement ou en petit groupe, ils sont travaillés toute l’année à des fins de subsistance alimentaire. Les profils des jardiniers, très divers, sont à l’image de la mixité du territoire. A Villetaneuse comme ailleurs, les terres dédiées aux jardins ouvriers sont souvent des espaces en marge. Les Jardins-Ouvriers des Joncherolles sont ainsi situés au milieu du cimetière des Joncherolles, d’une zone d’activité et d’infrastructures ferroviaires lourdes. Ils ne sont par ailleurs pas raccordés au réseau d’eau potable et utilisent des réservoirs d’eaux de pluies.
Épouvantail dans un jardin ouvrier © Hugo Trutt/ Caue d’Île-de-France)
Le cimetière intercommunal des Joncherolles
Une « dernière demeure » à l’architecture remarquable
Salle de cérémonie © Martin Argyroglo
Le pari de l’intercommunalité
Commune pauvre, Villetaneuse va très vite s’investir dans des initiatives intercommunales, permettant aux collectivités territoriales adhérentes de peser collectivement de façon plus importante. L’intercommunalité sera un des outils utilisés pour moderniser la ville : pour son raccordement au réseau électrique, aux télécoms mais aussi pour la réalisation du cimetière intercommunal des Joncherolles. Situé à la fois à Villetaneuse et à Pierrefitte-sur-Seine, les Joncherolles furent inaugurées en 1977. Le recours à l’intercommunalité permet alors de mutualiser les investissements pour des communes aux budgets limités, en pleine explosion démographique. Il est également partagé avec les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen et Epinay-sur-Seine.
Enfeux © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
Un cimetière paysager pionnier
La réalisation de ce cimetière de 36 hectares fut confiée à l’architecte Robert Auzelle, également concepteur du cimetière intercommunal de Clamart (Hauts-de-Seine), considéré aujourd’hui comme un pionnier des cimetières paysagers et de l’écologie urbaine en France. Il est inspiré par les cimetières du nord de l’Europe souvent situés dans des zones boisées ou paysagères, comme par exemple le Skogskyrkogården de Stockholm. A l’intérieur du cimetière, les espaces d’inhumation sont divisés en quartiers sur-élévés à 2,5 mètres, créant des espaces plus intimes et propices au recueillement des familles. Ces carrés de 7 mètres de côté sont la base de la composition du cimetière. En 2001, un premier carré musulman a été ajouté, suivi en 2016 d’un carré orthodoxe.
Rampe d’accès à la principale salle de cérémonie © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
Un patrimoine architectural et artistique remarquable
Le bâtiment principal du cimetière des Joncherolles comprend toutes les fonctions principales : le funérarium, le dépositoire, le crématorium, l’aire de cérémonie et les bureaux. Il est reconnaissable à la rampe d’accès monumentale rejoignant la salle de cérémonie omniculte. Le toit du bâtiment est reconnaissable à ces éléments creusés en béton : ces demi-tuyaux font office de gouttières et quand il pleut, l’eau suit un circuit symbolique comme une métaphore du cycle de la vie. Comme dans l’ensemble de ses réalisations funéraires, Auzelle fait appel à des artistes plasticiens. Aux Joncherolles, on peut s’attarder sur les portes monumentales en plaques de lave émaillée réalisées par le sculpteur Pierre Sabatier ou la sculpture des Trois Parques, sur la pelouse de l’entrée principale, commandée à Maurice Calka. Au centre du cimetière, se trouve également un colombarium organisé en forme de croix grecque. En son centre, une structure de dodécaèdre invite à la méditation.
Le dodécaèdre du colombarium © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
Un espace écologique depuis sa création
Robert Auzelle est aujourd’hui perçu comme un pionnier de la “ville verte”. Dès sa conception, cet espace de 20 hectares, très largement boisé, est conçu avec des préoccupations avant-gardistes : à titre d’exemple, il recommandait l’usage de voiturettes électriques pour l’entretien afin de limiter les nuisances sonores. Depuis 2013, le Cimetière des Joncherolles s’est engagé fortement dans une démarche de gestion écologique de cet espace paysager unique. En plus de l’adoption rapide d’une démarche “zéro phyto” favorisant la biodiversité, le syndicat intercommunal a lancé de nombreux projets : création de ruches, gestion durable des ressources, filtrage des particules du crématorium, etc.
Les « espaces paysagers » dessinés par Robert Auzelle © Hugo Trutt/Caue d’Île-de-France
En écoute
Valérie Bailly, directrice Générale du syndicat intercommunal des Joncherolles Valérie Bailly, directrice du cimetière intercommunal des Joncherolles à Villetaneuse, nous accueille dans ce lieu et elle a choisi de nous emmener dans un endroit précis pour nous parler de la gestion durable d’un tel site paysager.
Accéder au au parcours
Tramway
T8 ou T11 Arrêt Villetaneuse - Université