Quand l'architecture entre en gare !
10ᵉ arrondissement
À la découverte des paysages des gares du Nord et de l'Est…
Le passage à l’âge industriel bouleverse Paris et son paysage urbain, comme en témoigne le nord du 10ᵉ arrondissement.
À partir de la fin des années 1830, l'infrastructure ferroviaire commence à transformer le tissu urbain ancien et les compagnies de chemin de fer aménagent le territoire. De nouveaux entrepreneurs comme les frères Pereire et les Rothschild emploient leurs capitaux à favoriser le développement des transports ferroviaires et leur associent d'importantes opérations immobilières et urbaines.
Symbole de modernité, l’architecture de métal et de verre se développe pour différents types de programmes et devient le terrain d’expérimentation des plus grands architectes de l’époque : bibliothèque Sainte-Geneviève de Labrouste, marché des Halles centrales de Baltard, gares monumentales…
Les gares de l’Est et du Nord sont des modèles du genre. Construites peu après les fortifications de Thiers, elles sont pensées comme des entrées de villes, s’inscrivant dans l’histoire des portes des enceintes successives de Paris.
En parcourant ce quartier de gares, nous vous proposons de découvrir les résonnances architecturales et urbaines de cette histoire ferroviaire !
Ce parcours a été réalisé en partenariat avec la SNCF. Nous remercions également les associations Rails & Histoire et Histoire & Vies du 10ᵉ pour leurs contributions.
Retrouvez toute la bibliographie dans la rubrique « Plus d'infos ».
Aperçu du parcours
Boulevard de Strasbourg
La gare de l'Est © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Une gare monumentale
Dans la deuxième moitié du XIXᵉ siècle, la révolution industrielle et l'implantation du chemin de fer dans les villes a nécessité de bouleverser un tissu urbain à l'histoire longue. La première ligne de chemin de fer en France est mise en service près de Saint-Étienne en 1827 et la première ligne de transport de voyageurs, le Paris-Saint-Germain, date de 1837. C'est à partir de cette date que les grandes compagnies ferroviaires s'organisent et construisent notamment d'importantes gares dans la capitale, qui deviennent un symbole de modernité.
Vue de l'embarcadère du chemin de fer de Strasbourg © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02169
La gare de l'Est fait partie de ces gares monumentales, parmi les premières construites à Paris après l'embarcadère de Saint-Germain (future gare Saint-Lazare, 1837), les gares d'Orléans (future Austerlitz, 1840), du Nord (1846) et de Lyon (1847). Elle dessert en premier lieu Strasbourg et Mulhouse. De ce fait, on l'appelle d'abord la "gare ou embarcadère de Strasbourg" avant qu’elle ne prenne le nom de gare de l'Est en 1854.
Immeubles parisiens. Place du 11 novembre 1918. Gare de l'Est. Vue d'ensemble des voies © Charles Lansiaux/DHAAP
Surplombant le boulevard de Strasbourg
Au début du Second Empire, un vaste projet de modernisation de la ville est confié au baron Haussmann, préfet de la Seine, par Napoléon III. Les enjeux d'assainissement et d'adaptation aux nouveaux modes de transports redessinent le tissu urbain, les voiries étant élargies et repensées autour d'un réseau de grandes percées reliant des monuments entre eux. Les gares, déjà implantées dans la ville, sont alors intégrées à ce projet de liaisons et perspectives, devenant à leur tour de véritables monuments urbains.
Cadastre révisé des communes annexées (1830-1850), La Chapelle Saint-Denis, Section D dite de la Gare du Chemin de Fer de Strasbourg, 1/1000 © Archives de Paris, CN/108. Téléchargement du 26/03/2024
Projeté déjà sous la monarchie de Juillet, le percement du boulevard de Strasbourg en 1853 relie la gare au centre de Paris et s'inscrit dans la recomposition urbaine haussmannienne. D'une largeur de 30 mètres, le boulevard se prolonge par le boulevard de Sébastopol jusqu'à la Seine. La perspective ainsi ouverte donne à la gare un air majestueux. Les expropriations ne sont toutefois pas sans conséquences, provoquant le départ des classes ouvrières hors du centre de Paris et l'installation de classes plus aisées dans la capitale.
Plan parcellaire municipal de Paris (fin XIXᵉ), 37ᵉ quartier, Saint-Vincent de Paul, 43ᵉ feuille, 1/500 © Archives de Paris, PP/11913/A. Téléchargement du 26/03/2024
Sources :
BOURILLON, Florence (dir.) ; JIMÉNO, Frédéric (dir.) ; et BOWIE, Karen (dir.), Du clos Saint-Lazare à la gare du Nord : Histoire d’un quartier de Paris, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2018.
BOWIE Karen et TEXIER Simon (dir.), Paris et ses chemins de fer, Paris : Action artistique de la Ville de Paris, 2003.
Compagnie des chemins de fer de l’Est, La gare de l’Est, Paris : Dewambez, 1931.
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Boulevard de Strasbourg
La gare de l'Est © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Une gare monumentale
Dans la deuxième moitié du XIXᵉ siècle, la révolution industrielle et l'implantation du chemin de fer dans les villes a nécessité de bouleverser un tissu urbain à l'histoire longue. La première ligne de chemin de fer en France est mise en service près de Saint-Étienne en 1827 et la première ligne de transport de voyageurs, le Paris-Saint-Germain, date de 1837. C'est à partir de cette date que les grandes compagnies ferroviaires s'organisent et construisent notamment d'importantes gares dans la capitale, qui deviennent un symbole de modernité.
Vue de l'embarcadère du chemin de fer de Strasbourg © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02169
La gare de l'Est fait partie de ces gares monumentales, parmi les premières construites à Paris après l'embarcadère de Saint-Germain (future gare Saint-Lazare, 1837), les gares d'Orléans (future Austerlitz, 1840), du Nord (1846) et de Lyon (1847). Elle dessert en premier lieu Strasbourg et Mulhouse. De ce fait, on l'appelle d'abord la "gare ou embarcadère de Strasbourg" avant qu’elle ne prenne le nom de gare de l'Est en 1854.
Immeubles parisiens. Place du 11 novembre 1918. Gare de l'Est. Vue d'ensemble des voies © Charles Lansiaux/DHAAP
Surplombant le boulevard de Strasbourg
Au début du Second Empire, un vaste projet de modernisation de la ville est confié au baron Haussmann, préfet de la Seine, par Napoléon III. Les enjeux d'assainissement et d'adaptation aux nouveaux modes de transports redessinent le tissu urbain, les voiries étant élargies et repensées autour d'un réseau de grandes percées reliant des monuments entre eux. Les gares, déjà implantées dans la ville, sont alors intégrées à ce projet de liaisons et perspectives, devenant à leur tour de véritables monuments urbains.
Cadastre révisé des communes annexées (1830-1850), La Chapelle Saint-Denis, Section D dite de la Gare du Chemin de Fer de Strasbourg, 1/1000 © Archives de Paris, CN/108. Téléchargement du 26/03/2024
Projeté déjà sous la monarchie de Juillet, le percement du boulevard de Strasbourg en 1853 relie la gare au centre de Paris et s'inscrit dans la recomposition urbaine haussmannienne. D'une largeur de 30 mètres, le boulevard se prolonge par le boulevard de Sébastopol jusqu'à la Seine. La perspective ainsi ouverte donne à la gare un air majestueux. Les expropriations ne sont toutefois pas sans conséquences, provoquant le départ des classes ouvrières hors du centre de Paris et l'installation de classes plus aisées dans la capitale.
Plan parcellaire municipal de Paris (fin XIXᵉ), 37ᵉ quartier, Saint-Vincent de Paul, 43ᵉ feuille, 1/500 © Archives de Paris, PP/11913/A. Téléchargement du 26/03/2024
Sources :
BOURILLON, Florence (dir.) ; JIMÉNO, Frédéric (dir.) ; et BOWIE, Karen (dir.), Du clos Saint-Lazare à la gare du Nord : Histoire d’un quartier de Paris, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2018.
BOWIE Karen et TEXIER Simon (dir.), Paris et ses chemins de fer, Paris : Action artistique de la Ville de Paris, 2003.
Compagnie des chemins de fer de l’Est, La gare de l’Est, Paris : Dewambez, 1931.
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Hôtel Terminus
Date : 1912 Architecte : Arsène Lejeune (1866-1938)
Hôtel Terminus © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Avec l'arrivée du chemin de fer apparaissent de nouveaux programmes de bâtiments qui participent à la transformation de Paris sous le Second Empire. Cette période voit ainsi la naissance des premiers grands hôtels ou véritables palaces. Le premier du genre est le célèbre Grand Hôtel Impérial du Louvre, construit à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1855. Pour sa réalisation, les Frères Pereire suivent l'inspiration de Napoléon III qui avait été conquis par l'idée lors de son séjour à Londres. Le principe se propage et l'on voit se construire divers hôtels plus modestes autour des gares parisiennes.
▶️ Écoutez ce podcast pour découvrir comment les Frères Pereire seront pionniers du tourisme, développant des villégiatures auxquelles conduisent les lignes qu'ils construisent © Chemin de Faire, un podcast produit par la SNCF et réalisé par Emma Delaunay.
Menu du restaurant Terminus-Est 23 avril 1916 © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 2-DEP-002-00448
Juste en face du parvis s'en trouve un exemple : le Terminus Est anciennement Grand Hôtel Terminus, un hôtel pour voyageurs construit par la Compagnie des chemins de fer de l'Est en 1912 et dessiné par l'architecte Arsène Lejeune dans le style post-haussmannien de l'époque. Sa localisation l'a placé au premier rang des départs lors de la Première Guerre mondiale. Comme en témoigne la photographie ci-dessous, la charcuterie allemande “Maison Fesser”, installée au rez-de-chaussée, a notamment été pillée en août 1914, à l'instar de magasins supposés allemands des alentours.
L'Hôtel Terminus à la gare de l'Est saccagé par la foule à la mobilisation et déclaration de guerre, 1914 © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 4C-EPF-004-0912
L'Hôtel a depuis conservé sa fonction. Il a longtemps appartenu à la famille de Joseph Denoyer, qui a supervisé sa construction. Racheté en 1998 par la CGHS (Vivendi), cet hôtel a été entièrement rénové puis commercialisé sous les enseignes Libertel, Mercure et depuis 2009 Holiday Inn.
Sources :
TESSIER Alexandre, Le Grand Hôtel : L’invention du luxe hôtelier (1862-1972), Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2012.
Parvis de la gare de l'Est
Date : 1851 Architectes : François-Alexandre Duquesney (1790-1849), Jules Bernaut (1880-1974)
La façade principale © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
L'architecture de la gare
La gare est construite entre 1849 et 1851 par l'architecte François-Alexandre Duquesney, ancien élève de Charles Percier à l'École des Beaux-Arts. Sollicité par l'État pour construire la gare terminale de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Strasbourg, il décède avant l'inauguration de celle-ci.
Plan de la gare à son origine © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02169
Avant de subir plusieurs transformations, dont un important agrandissement à partir de 1926, la gare n'est d'abord composée que d'un seul corps de bâtiment. Le plan est conçu autour d'une vaste halle métallique qui, à l'origine, ne recouvre que quatre voies. De part et d'autre sont implantés de grands pavillons en pierre de conception néo-classique. Entre eux, une galerie à arcades servant de vestibule d'entrée est surmontée de l'horloge.
Les arcades © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Une charpente innovante
Les matériaux dominants rappellent le caractère industriel de cette architecture : verre et métal. La transparence offerte par l'usage du verre et les structures métalliques évoquent la modernité permise par le développement de techniques nouvelles. Toutefois, la gare de l'Est se distingue des autres halles industrielles par son système constructif. Si les charpentes des gares de Lyon, Austerlitz ou Saint-Lazare adoptent un type répandu appelé "système Polonceau", caractérisé par des fermes triangulaires, la charpente de la gare de l'Est est remarquée par sa forme courbe qui constitue une prouesse architecturale. L'élégance et la légèreté qui en émanent sont exemplaires. Ce système innovant serait l'invention du serrurier Joseph-Philippe Jacquemart, spécialiste des serres, ayant travaillé pour le duc d'Orléans. Il dépose un brevet pour son invention.
Gare de l'Est en 1920. Intérieur du hall dont les transformations des années 1930 n'ont laissé qu'une partie © Charles Lansiaux / DHAAP
En élévation, le fronton orné d'une rosace fait apparaître le dessin courbe de la charpente et accentue le caractère monumental de la porte, qui figure l’entrée dans la ville et dans le voyage.
Horloge et rosace © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Saurez-vous les reconnaître ?
Les détails d'ornement rappellent la région de l'Est de la France et le voyage. Par exemple, la façade est ornée de grandes sculptures allégoriques : la ville de Strasbourg est représentée au-dessus de la rosace, le Rhin et la Seine sont représentés au-dessus de l'horloge. Les chapiteaux des colonnes évoquent des produits agricoles comme la vigne.
Paris, gare de l'Est, ancienne gare © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02169
Symétriquement à ces sculptures sur le premier pavillon, une allégorie de la ville de Verdun, conçue en 1931 par le sculpteur Henri Varenne, surmonte le pavillon Est. Ici, la Meuse et la Marne encadrent l’horloge. Entre les arcades, 32 écussons des villes desservies sont également représentés. Depuis 1984, la gare de l'Est est protégée au titre des Monuments historiques.
Sources :
BOURILLON, Florence (dir.) ; JIMÉNO, Frédéric (dir.) ; et BOWIE, Karen (dir.). Du clos Saint-Lazare à la gare du Nord : Histoire d’un quartier de Paris. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2018.
BOWIE Karen et TEXIER Simon (dir.), Paris et ses chemins de fer, Paris : Action artistique de la Ville de Paris, 2003.
Compagnie des chemins de fer de l’Est, La gare de l’Est, Paris : Dewambez, 1931.
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Hall Alsace de la gare de l'Est
Une salle réservée aux permissionnaires à la gare de l'Est, rue du Faubourg Saint-Martin [Salle de consommation, de repos et de correspondance pour les permissionnaires], Préfecture de police, 1918 © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 4C-EPF-004-1176
Une gare militaire
Véritable porte vers l'Est de l’Europe, la gare a été au premier rang de l'arrière du front de la Première Guerre mondiale à partir de la déclaration de guerre le 3 août 1914.
Divers artistes ont représenté le hall symbolique de la gare de l'Est pour dénoncer les horreurs des quatre années de la Grande Guerre. Maximilien Luce (1858-1941), Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) et Julien Le Blant (1851-1936), à travers leurs expressifs croquis d'observation, ont su transcrire les événements et scènes quotidiennes de la guerre.
Poilus gare de l'Est, estampe de Théophile Alexandre Steinlen, 1917 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
Même si c’est principalement en gare de l’Est qu’il s’installa pour croquer les divers flux et passages (départs pour le front, retour des blessés ou permissionnaires… ), Steinlen réalisa également des dessins du front, aux côtés d’autres artistes, à la demande de la Mission Artistique aux Armées (la MAA). Leurs œuvres donnent de poignants témoignages et des traces précieuses de cette période.
Le départ des poilus
Le départ des poilus, de Albert Herter, accroché dans la gare © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
En 1926, le peintre américain Albert Herter (1871-1950) offre à la France une œuvre intitulée selon les sources « Le départ des poilus » ou « Août 14 ». Ce tableau monumental, d’une surface de 60 m², a été pensé sur mesure pour son emplacement. Il représente une scène d’adieux sur le quai de la gare alors que les soldats mobilisés partent pour le front en 1914.
Un adieu touchant à la gare de l'Est, Préfecture de police, Service de l'Identité judiciaire, 1914 © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 4C-EPF-004-0929
C’est également pour l’artiste une façon de rendre hommage à son fils aîné Everit, lui-même peintre, mort en 1918 près de Château-Thierry (Aisne), alors qu’il s’était engagé volontairement dans une section de camouflage de l'armée américaine. Il est représenté par le personnage central, partant à la guerre « la fleur au fusil ».
Le peintre lui-même est incarné dans l’homme au bouquet de fleurs sur la droite du tableau, qui semble s’incliner avec la main sur le cœur comme il le ferait sur la tombe de son fils. Symétriquement, son épouse est représentée par la femme aux mains jointes qui semble également se recueillir. Cette œuvre commémorative a été inaugurée le 8 juin 1926 en présence du ministre de la Guerre, du maréchal Joffre et de l’ambassadeur américain.
Inauguration d'une toile de Herter (Le départ des Poilus), Agence Rol, 1926 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
Il ne s'agit pas d'un tableau historique - les familles restaient à l'extérieur des grilles de la gare et les mobilisés n'étaient pas encore en uniforme - mais d’une expression collective du deuil et de l'hommage qui institue la gare de l'Est comme un lieu de mémoire des conflits contemporains.
Un abri caché
Dans les années 1930, à la demande et aux frais du ministère des Travaux publics, un abri de 110 m² a été construit en sous-sol de la gare de l’Est. Cet abri "actif", relié téléphoniquement aux gares des lignes du réseau Est, peut accueillir jusqu’à 70 militaires et cheminots, qui peuvent ainsi poursuivre l’exploitation des trains en cas d’alerte. Il s’agissait surtout de faire face aux attaques de gaz, très répandues durant la guerre de 14-18.
L'abri de la gare de l'Est © Sébastien Godefroy/SNCF
Point kilométrique 0
Le macaron au sol de la gare © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Poursuivez dans le hall Alsace pour apercevoir au sol une plaque en laiton indiquant le point kilométrique 0. Ce macaron a été scellé en 1930 à l’emplacement de l’ancien quai principal afin de représenter le point de départ des premières lignes de chemin de fer vers l’Est de la France… puis de l’Europe. C'est à partir de ce point que sont calculées les distances : il correspond à l'extrémité des quais de la première gare.
Carte générale du réseau des chemins de fer de l'Est indiquant les distances d'axe en axe des gares, stations et haltes et leur position kilométrique par rapport au point de départ du kilométrage. [1 : 500 000 env] / Gravé chez L.Wahrer, 1878 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
Le 4 octobre 1883, c’est de cette gare que part le célèbre et très innovant Orient Express, luxueux train à wagons-lits qui reliait Paris à Constantinople (aujourd'hui Istanbul) en passant par Strasbourg puis Munich, Vienne, Budapest et Bucarest, et qui tient lieu de scène de crime dans le roman bien connu d’Agatha Christie.
Affiche publicitaire de l'Orient-Express, 1888 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
Sources :
CHRISTOPHE Jeannine, « « Guerre à la guerre ». Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923) », Revue d’histoire des chemins de fer, n°50-51, 2018.
Rails & Histoire
Pavillon Est de la gare
Le pavillon Est de la gare © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Une gare surchargée par le trafic ferroviaire croissant
Face au développement du réseau ferré et à l'intensification du trafic, le nombre de voies de la gare devient insuffisant. La quantité de voyageurs augmente et la gare se retrouve surchargée. Si à sa mise en service en 1851, la gare compte 530 000 voyageurs par an, elle en compte plus de 3 millions trente ans plus tard, et jusqu'à 12 millions en 1911. En outre, à cette date le trafic de marchandises est repoussé vers des installations en banlieue et la gare devient uniquement dédiée aux voyageurs. Le retour de l'Alsace-Lorraine à la France après la Première Guerre mondiale accentue encore le trafic vers l'Est.
Un projet d'extension architectural et urbain
Élévation de la façade de la gare de l'Est en 1927 © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02169
À la fois pour des raisons budgétaires et d'attachement au bâtiment existant, il est décidé dans l’avant-projet de 1912 de ne pas démolir celui-ci et d'en construire une extension pour l'adapter aux besoins. À la fin du XIXᵉ siècle, la gare avait déjà subi quelques transformations, notamment par la création de voies ferrées supplémentaires et de halles accolées au bâtiment principal. En 1924, le projet définitif d'agrandissement est bien plus ambitieux : le nombre de voies passe de 16 à 30. En 1931, la gare de l'Est a doublé de surface !
L'étalement urbain de la gare
L'agrandissement de la gare © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02169
Le projet nécessite dans un premier temps la démolition de l'îlot bâti entouré par les rues de Metz et de Nancy, puis le déplacement de la rue du Faubourg Saint-Martin. Le cadastre évolue encore, déplaçant aussi les populations. Les halles qui avaient été implantées sont démolies pour laisser place à un vaste pavillon.
Photographie aérienne du quartier de la gare de l'Est en 1920, avant son agrandissement © IGN
Photographie aérienne du quartier de la gare de l'Est en 1934, après son agrandissement © IGN
Penser les flux en profondeur
Lors de son extension, la gare de l'Est acquiert tout un système de souterrains intégrant différents modes de transports. Son adaptation à la circulation automobile la place à l'avant-garde des constructions modernes.
En 1906, la construction du métropolitain (lignes 7 et 5) sous le parvis de la gare de l'Est avait déjà engendré des travaux importants et une construction souterraine, poursuivie une vingtaine d'années plus tard avec l'agrandissement de la gare.
Ci-dessus, coupe du métro devant la gare de l'Est et affiche © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02169 Lors des travaux d'agrandissement de la gare, des sous-sols sont creusés et aménagés pour la logistique des arrivées (bagages, bureaux...), permettant de dédier le rez-de-chaussée au service des départs. La conception s'appuie sur de nombreuses inventions récentes - ascenseurs, tapis roulants, monte-charges etc., pour assurer ces circulations sur différents étages. D'autres services sont également implantés (hôtel, restaurant, buffet...) en demi sous-sols ou dans les étages.
La fontaine Art déco en sous-sol © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
C'est certainement à un vestige de ces anciennes salles qu'appartenait cette fontaine en mosaïque Art déco que l'on peut aujourd'hui apercevoir dans le parking de la gare au milieu des voitures. Alors, un système de fontaines publiques aurait-il déjà été implanté dans la gare à l'époque ?
Sources :
LOUVET Armand, « L’agrandissement de la gare de l’Est », L'Architecture, Vol. 46, n°3, (15 mars 1933), p 93-104.
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Intérieur du pavillon Est
Rue du Faubourg Saint-Martin © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Un nouveau bâtiment presque symétrique à celui de l'autre extrémité de la halle
C'est l'architecte Jules Bernaut qui a en charge ce projet d'architecture de grande envergure. Il fait sa carrière au sein de la Compagnie des chemins de fer de l'Est. Il est l'auteur de gares remarquables de style Art déco, telle que la gare de Belfort de 1939. C’est la seule gare française en activité protégée au niveau supérieur des Monuments historiques, classée et pas inscrite.
La gare de Belfort © CAUE de Paris
Le pavillon Art déco
Pour la gare de l'Est, l'architecte fait construire toute l'aile Est de la gare à l'identique du bâtiment d'origine conçu par Duquesney. La façade semble symétrique à la première, néanmoins les matériaux témoignent des deux époques de construction différentes. Le nouveau pavillon est construit en béton recouvert de pierre de Bourgogne, des pavés de verre sont employés pour la voûte.
Le pavillon Art déco et son plafond de verre © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Les mosaïques d’époque visibles au sous-sol © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Fontaines à mosaïques, ferronneries à motifs géométriques sont autant d'éléments marquants de ce vocabulaire architectural des années 1930. On reconnaît à l'architecte l'emploi du style Art déco sur les entrées du côté de la rue du Faubourg Saint-Martin et sur la rue d’Alsace, ainsi qu’à l'intérieur du nouveau pavillon, témoignant également du caractère plus récent de cette aile à l’Est.
Détails révélant l'emploi du vocabulaire Art déco © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Des travaux conséquents
Au regard de l'ampleur du projet, les travaux durent au total cinq ans. La nouvelle gare est inaugurée en décembre 1931.
La nouvelle gare de l'Est : les travaux, Agence Meurisse, 1928 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
L'arrivée du TGV
En 2007, la gare de l'Est a de nouveau été réaménagée afin d'accueillir le Train à Grande Vitesse (TGV) à destination de Strasbourg.
Butoirs ou heurtoirs assurant l’arrêt des TGV © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Toutefois, le premier TGV ne date pas d'hier. Son ancêtre est la locomotive Crampton, conçue en 1850 par l'ingénieur anglais Thomas Crampton. Sa vitesse peut atteindre jusqu'à 120 km/h, ce qui est un exploit comparé aux locomotives de l'époque qui atteignent entre 50 et 80 km/h maximum. Cette locomotive à grande vitesse circule en premier en France, sur le chemin de fer de l'Est. On l'appellera le "lévrier du rail".
▶️ [Découvrez cette locomotive historique en images](https://sites.ina.fr/sncf/tempo/!/media/SNCF0003) © SNCF - Médiathèque SNCF - Film
Sources :
LOUVET Armand, « L’agrandissement de la gare de l’Est », L'Architecture, Vol. 46, n°3, (15 mars 1933), p 93-104.
Ancienne manufacture de papiers peints Leroy
Date : 1903 Architecte (centrale électrique) : Paul Friésé (1851-1917)
La façade du bâtiment du côté des voies © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
La manufacture d'origine
En 1842, Louis Isidore Leroy fonde la Manufacture Leroy, la plus importante manufacture de papiers peints de Paris. En lieu et place de l'actuel bâtiment à la façade jaune, se dressaient les bâtiments qui abritaient les machines à imprimer, fabriquant jusqu'à 5 millions de rouleaux de papiers peints par an. La manufacture était jouxtée d'une machine à vapeur qui produisait la force mécanique pour actionner les machines, notamment pour le séchage des papiers.
La manufacture de papiers peints Leroy en 1920, aujourd'hui disparue. À droite, l'ancienne centrale électrique © Charles Lansiaux - DHAAP
En 1903, pour faire face au développement notable de l'activité de la manufacture, une centrale électrique est installée à la place de l'usine à vapeur. Située à l'angle de la rue du Château-Landon et de la rue Lafayette, la construction de la centrale est confiée à l'architecte Paul Friesé, reconnu pour son travail sur les centrales et sous-stations électriques. En 1904, les travaux s'achèvent mais, dès 1909, de nouvelles chaudières sont installées et une cheminée de plus de 25 mètres de haut est construite afin d'évacuer les fumées.
L'ancienne centrale électrique en 1920 © Charles Lansiaux - DHAAP
Le déménagement de la manufacture
Au début du XXᵉ siècle, le trafic ferroviaire augmente considérablement, obligeant la Compagnie des chemins de fer de l’Est à élargir l'emprise des voies. Pour ce faire, la société Leroy est expropriée en 1911. Avec l'indemnisation versée par la compagnie à titre de dédommagement, la société construit une nouvelle usine et un village ouvrier à Saint-Fargeau-Ponthierry (Seine-et-Marne), confiés une nouvelle fois à l'architecte Paul Friesé et son collaborateur, l’ingénieur Jules Denfer. Les bâtiments de cette usine existent toujours, la centrale électrique est transformée en espace culturel baptisé « Les 26 couleurs ».
Publicité pour les papiers peints Leroy sur un buvard vers 1950 © lamalleapapa.com
En 1919, peu après le déménagement de la manufacture, le bâtiment industriel est démoli mais la centrale électrique est conservée. Un nouveau bâtiment est construit entre 1931 et 1934 à l'emplacement de la manufacture abritant les bureaux de la Compagnie des chemins de fer de l'Est. Le bâtiment appartient toujours à la SNCF. Le bâtiment de la centrale, quant à lui, abrite des associations historiques des chemins de fer.
L'actuel bâtiment datant des années 1930, locaux de la SNCF © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Détail des décors sur la façade du bâtiment © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Sources :
LACOUR Virginie, « L’ancienne usine génératrice de la manufacture de papiers peints Isidore Leroy 13, rue du Château-Landon, Paris », Revue d’histoire des chemins de fer, n°40, 2009, p 177-182.
Rails & Histoire
Garages, stockages et réservoirs de la gare de l'Est
Date : 1931-1932 Architecte : Jules Bernaut (1880-1974)
Le bâtiment depuis la rue Philippe-de-Girard © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Jules Bernaut, architecte en chef de la Compagnie du chemin de fer de l'Est, qui a réalisé l'extension de la gare de l'Est, construit ce bâtiment logistique en 1931-1932, situé au n°3 rue Philippe-de-Girard. Les fonctions sont multiples : rangement de matériel, bureaux, réfectoire, garages, vestiaires et réservoirs d'eau pour les locomotives à vapeur au dernier étage. L'ossature du bâtiment est en béton armé. Le remplissage est composé de briques formant un motif de damiers visibles sur le pignon nord et la façade côté voies. Ce bâtiment a été restauré en 2018.
Sources :
SNCF
Pont La Fayette
Date : 1928 Ingénieur : Albert Caquot (Société Pelnard-Considère et Caquot) (1881-1976) Constructeur : Société des entreprises A. Monod sous le contrôle de M. Ridet, ingénieur principal de la Compagnie des chemins de fer de l'Est Manœuvres de levage des poutres : Ateliers Saint-Quentinois
Le pont La Fayette côté gare de l'Est. Sur la droite, la façade blanche de l'ancienne centrale électrique de l'usine Leroy © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Le pont métallique d'origine devenu trop court
Le premier pont La Fayette date de 1882. Il est composé de neuf poutres en treillis, deux poutres latérales simples et de sept autres doubles, réunies par des croisillons et des entretoises (perceptibles sur la photo ci-dessous). Au début du XXᵉ siècle, la croissance fulgurante du trafic ferroviaire nécessite la construction de nouvelles voies pour la gare de l'Est. D'une longueur de 79,20 mètres, le pont ne permet alors plus de traverser les voies. En 1927, un nouveau pont d'une portée de 148,72 mètres est alors construit par l'ingénieur Albert Caquot.
À l'arrière-plan, au-dessous du portique métallique, l'ancien pont La Fayette derrière des personnels de la gare de l'Est avant 1925 © Collection particulière
Un défi d'ingénierie
À l’époque, l’enjeu pour la construction de cet ouvrage est qu’il n’entrave pas le trafic ferroviaire croissant de l'une des gares les plus fréquentées de Paris : il faut construire rapidement. La solution d'un pont en arc métallique, couramment utilisée à l'époque pour traverser de longues distances, a été écartée. L'ingénieur Albert Caquot, qui réalise environ 400 ponts dans sa carrière, opte alors pour la construction d'un pont en béton armé, de deux travées latérales de 70 mètres de portée chacune. La technique de poutres triangulées, utilisée ici, a été imposée par la forme irrégulière du nouveau faisceau ferroviaire.
Élévation vue du côté de la gare et plan du pont, Le Génie civil n°22 (déc. 1928) © gallica.bnf.fr - Bibliothèque Nationale de France
Le premier pont à poutres à treillis en béton armé au monde
Constitué de deux poutres latérales triangulées en treillis de béton armé de hauteur constante (10,40 mètres) et construit en seulement 14 mois, le nouveau pont constitue un record mondial dans la catégorie des ouvrages d'arts de l'époque.
Le pont en construction, Le Génie civil n°22 (déc. 1928) © gallica.bnf.fr - Bibliothèque Nationale de France
Le pont en construction. Au premier plan à gauche, l'une des poutres latérales de l'ancien pont, Le Génie civil n°22 (déc. 1928) © gallica.bnf.fr - Bibliothèque Nationale de France
Vue du ferraillage des croisillons à l'intérieur du pilastre médian. Cette concentration d'acier dans les nœuds est impressionnante pour l'époque, Le Génie civil n°22 (déc. 1928) © gallica.bnf.fr - Bibliothèque Nationale de France
Albert Caquot, un ingénieur illustre
Nous devons à Albert Caquot la réalisation de nombreux ouvrages en béton armé : la structure interne du Christ rédempteur à Rio de Janeiro (1931), la forme Jean Bart (cale à bateaux) sur les Chantiers de la Loire de Saint-Nazaire (première cale horizontale au monde), le pont de la Caille sur le ravin des Usses en Haute-Savoie (1928) et sa structure en arc, ainsi que de multiples centrales électriques, barrages ou hangars d'aviation.
Opération de relevage du Pont La Fayette en 1960 © Fonds Boussiron, SIAF, Cité de l'architecture et du patrimoine - Archives d'architecture contemporaine
Les vérins utilisés pour le relevage du Pont La Fayette en 1960 © Fonds Boussiron, SIAF, Cité de l'architecture et du patrimoine - Archives d'architecture contemporaine
Le pont depuis l'angle de la rue Philippe de Girard et la rue La Fayette © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
35 ans plus tard, l'électrification des voies
En 1961, il est nécessaire de surélever le pont de 71 centimètres pour assurer le passage des câbles électriques d'alimentation (les caténaires), suite à l'électrification des voies ferrées. Le défi de rehausser le pont et ses 11 000 tonnes a été relevé sans encombre !
Les voies de la gare de l'Est depuis le pont La Fayette © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
En traversant le pont La Fayette sur le trottoir de gauche, vous remarquerez la plaque de l'inauguration du pont fixée sur la pile centrale. Arrêtez-vous pour observer les voies de la gare de l'Est et ses abris de quai construits en 1931. Vous entendrez peut-être Simone, voix de la SNCF, annoncer le départ ou l'arrivée d'un train !
Ancien Hôtel Royal Astoria
Date : 1920 Architecte : Gaston Ernest (1867-1949)
La façade de l'ancien hôtel Royal Astoria © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Sur votre droite, au n° 173 de la rue La Fayette, vous remarquerez un très bel immeuble composé de balcons sur la façade galbée en pierre de taille. C'est l'ancien Hôtel Royal Astoria, réalisé par l'architecte Gaston Ernest (1867-1949).
Sources :
Compagnie des chemins de fer de l’Est, La gare de l’Est, Paris : Dewambez, 1931.
Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, n°22, (déc. 1928).
Immeuble à pans de fer
Date : 1878 Architecte : A. Lefèvre Constructeurs : E.L. Paraire et Englebert
© V. Guiné - CAUE de Paris
Un immeuble de rapport au langage industriel
Premier immeuble d’habitation à structure en pans de fer à Paris, ce bâtiment du n°5 rue de l'Aqueduc, est construit en 1878 par l’architecte A. Lefèvre et les entrepreneurs Paraire et Englebert. En façade on aperçoit l'ossature métallique, qui assure stabilité et résistance à l'ouvrage, ainsi que le remplissage qui est en pierre de taille et non en brique comme beaucoup de constructions industrielles à l'époque. Les pilastres en fonte sont volontairement laissés apparents, le matériau industriel étant assumé comme décor de la façade. Le système est décliné autour des fenêtres qui sont encadrées par de très fines colonnes, à peine perceptibles à l'œil nu.
Élévation © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02151
La travée centrale est la seule à accueillir des balcons en fer et tôle striée (excepté le 5ᵉ étage). À chaque étage, les chapiteaux ornés de l'inscription des constructeurs sont destinés à recevoir les sablières.
Détail d'un chapiteau orné © V. Guiné - CAUE de Paris
Le système constructif à pans de fer est l’invention de l’ingénieur Jules Denfer. Associé de l’architecte Paul Friesé entre 1885 et 1891, leur collaboration fructueuse est à l’origine de nombreux projets industriels notables comme la manufacture de papiers peints Leroy évoquée à l’étape 7, mais aussi les centrales électriques parisiennes.
Plan © Ville de Paris/Bibliothèque historique, 1-EST-02151
Le rez-de-chaussée et le sous-sol de cet immeuble sont aujourd'hui dédiés à la station Magenta du RER E.
Sources :
LOYER François, Paris XIXème siècle : l’immeuble et la rue, Vanves : Hazan, 1987.
Ville de Paris, Plan Local d’Urbanisme, Annexes VI : Protections patrimoniales du 10ᵉ arrondissement, approuvé par délibération du Conseil de Paris des 4, 5, 6 et 7 juillet 2016.
Immeuble Art déco à structure métallique
Date : vers 1925 Architecte : E.J. Hart Constructeur : Léon Grosse Sculpteur : M. Ondest
L'immeuble depuis la rue La Fayette © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Cet immeuble du n°5 rue de Dunkerque a été construit par l'architecte E.J. Hart vers 1925 pour le siège de la United Shoe Machinery Company, spécialisée dans la production de machines à fabriquer des chaussures. L'architecte E.J. Hart est peu connu, cependant, l'inscription sur la droite de la façade nous apprend qu'il possédait un certificat d'architecte agréé du R.I.B.A (Royal Institute of British Architects).
Chantier de construction du bâtiment, auteur inconnu © Histoire & Vies du 10ᵉ
Extrait d'une photographie aérienne de 1926, pendant la construction de l'immeuble © IGN
Extrait d'une photographie aérienne de 1923. Avant la construction de l'actuel immeuble, s'élevait une usine. Sur la droite de l'immeuble, la façade blanche de l'ancien siège Bernot, commerce de combustibles et fabricant de charbons © IGN
Un long bandeau en bas-relief sur toute la largeur de la façade, représente les différents métiers du cuir. Il est l'œuvre du sculpteur M. Ondest. Comme l'immeuble précédent, celui-ci est également constitué d'une structure métallique, édifiée par l'entreprise de travaux Léon Grosse.
Un extrait de la longue frise en bas-relief © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
En 1986, le groupe Taitbout, spécialisé dans la protection sociale (retraite et prévoyance), rachète l'immeuble. Jusqu'en 2008, l'immeuble accueillait le siège du Groupe Taitbout. Il a été réhabilité en auberge de jeunesse à partir de 2012.
Sources :
Histoires & vies du 10ᵉ
Gare du Nord
Date : 1861 Architecte : Jacques-Ignace Hittorff (1792-1867)
La façade monumentale de la gare du Nord © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
De l'embarcadère parisien à la gare de Lille
Avec l'augmentation du trafic ferroviaire, l'embarcadère du Chemin de fer du Nord construit par Léonce Reynaud en 1846 devient trop petit, ne disposant que de deux voies, l'une pour les arrivées, l'autre pour les départs. En 1864, la façade de l’embarcadère est alors démontée et les pierres sont acheminées en train jusqu’à Lille puis remontées pour constituer la partie basse de la façade de la gare de Lille (actuelle Lille-Flandres). Si le réemploi est désormais d’actualité, il est surtout synonyme de pauvreté au XIXᵉ siècle, et d'économie pour la Compagnie du Nord, connue pour toujours réduire les coûts. Une horloge et un étage supérieur sont ajoutés à l’ancienne façade pour répondre à l’indignation des Lillois et donner plus de monumentalité à leur gare.
À Paris, il est décidé de construire une nouvelle gare, qui sera implantée au sud-ouest de l’ancien embarcadère.
La gare du Nord en 1864, tirage sur papier albuminé, env. 21 x 15 cm, Charles-Henri Plaut © gallica.bnf.fr - Bibliothèque Nationale de France
C'est Jacques-Ignace Hittorff qui remporte le projet de la gare du Nord, commandé par James de Rothschild, banquier et président de la Compagnie du Nord depuis sa création en 1845. En effet, l'architecte a déjà des relations et une réputation : il a construit l’église de Saint-Vincent-de-Paul, chef-d’œuvre qui lui vaut l’admiration de Rothschild. Pour la gare du Nord, il est assisté de son fils Charles Joseph et d’un étudiant en architecture américain, Henry Hobson Richardson. La nouvelle gare, dont la surface est doublée, est mise en service le 19 avril 1864.
Le contexte urbain
La façade de la gare mesure plus de 180 mètres de long. Contrairement à sa voisine la gare de l'Est qui dispose d'un large parvis, la gare du Nord paraît enserrée dans le tissu urbain. La perspective depuis son parvis est très courte et vient se heurter aux façades des immeubles de la rue La Fayette et du boulevard de Magenta. En effet, la gare est implantée dans la partie nord de l’ancien clos Saint-Lazare, le clos Saint-Charles. Le caractère encastré de la gare vient alors de son implantation dans un quartier déjà en voie d’urbanisation.
Le plan des alentours de la gare du Chemin de fer du Nord illustre la faible densité du tissu urbain du clos Saint-Lazare en 1845 © gallica.bnf.fr - Bibliothèque Nationale de France
L'architecture de la gare
De la même façon qu'à l’église Saint-Vincent-de-Paul, Jacques-Ignace Hittorff conserve des références à l’architecture antique, telles que les pilastres d’ordre corinthien. On ne trouve dans ce bâtiment aucune trace de la polychromie pourtant chère à l'architecte puisqu’il a participé activement à la réintroduire sur les bâtiments parisiens, notamment à travers son projet de Saint-Vincent-de-Paul. La transparence du verre et la simplicité du fer sont mises à l’honneur.
Une des colonnes de fonte en fabrication par les ateliers de la fonderie de Glasgow © ASPM
Le projet s’inspire de l’architecture industrielle britannique. L’architecte se rend régulièrement en Angleterre pour être au fait des innovations techniques. À ce titre, l’association de la fonte et de la pierre en façade fait notamment écho au mode constructif du Crystal Palace de Londres, conçu par Joseph Paxton. Pour des raisons économiques, c’est dans la même fonderie de Glasgow en Écosse que sont fabriquées les colonnes en fonte de la gare du Nord. Approchez-vous des colonnes, vous observerez distinctement le moulage de la marque de fabrique « Alston & Gourlay, Glasgow, 1862, British Iron Works ». Les fermes « Polonceau » sont, quant à elles, fabriquées en France.
Chapiteaux des colonnes de fonte de la gare © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Comme pour la gare de l’Est, différentes statues allégoriques des grandes villes desservies par le réseau ferré décorent la façade principale. Tout au sommet du pavillon central, on peut voir la statue personnifiant Paris comme capitale de la civilisation moderne.
Les statues allégoriques © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
La statue personnifiant Paris © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Ce bâtiment constitue le tout dernier projet de l’architecte J-I. Hittorff. La gare du Nord doit d’autant plus manifester le prestige et exprimer la modernité. Employant les matériaux et techniques de pointe, elle devient un chef-d’œuvre de génie civil autant que d'architecture. La gare du Nord était considérée comme l'une des plus belles de France à l'époque de sa construction.
La nef centrale de la gare du Nord et les quais en juin 1960 © Médiathèque SNCF
Après sa construction, un bâtiment plus à l'écart vers l'Est a été édifié pour les services de banlieue vers Aulnay-sous-Bois et Mitry. Au fil du temps, plusieurs modifications ont été apportées à la gare : la marquise sur la façade en 1891, la démolition d'anciens guichets et de la salle d'attente afin d'accueillir l'espace transmanche et l'Eurostar au début des années 1990, puis la construction de deux halles en verre à l'Est (AREP, Agence des gares, 2001) pour l'espace transilien, qui remplacent un bâtiment de parking et la halle banlieue.
La rénovation en 2024
Le projet Horizon 2024 vise à répondre à l’affluence croissante de voyageurs accentuée par l’accueil à Paris de grands événements (JO, coupe du monde de rugby), ainsi que d’adapter la gare aux usages actuels. En effet, avec près de 700 000 voyageurs par jour, la gare du Nord est la plus fréquentée d’Europe.
La halle centrale de la gare de nos jours © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
La rénovation, inaugurée en juin 2024, inclut la mise en place d’une signalétique augmentée et de circulations repensées. L’adaptation aux enjeux climatiques passe notamment par la construction d’une halle à vélos réalisée avec des matériaux de réemploi et la végétalisation des espaces publics autour de la gare.
La halle à vélos © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Sources :
Cité de l’architecture et du patrimoine
Chemin de Faire, un podcast produit par SNCF et réalisé par Emma Delaunay.
BOURILLON, Florence (dir.) ; JIMÉNO, Frédéric (dir.) ; et BOWIE, Karen (dir.), Du clos Saint-Lazare à la gare du Nord : Histoire d’un quartier de Paris, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2018.
BOWIE Karen et TEXIER Simon (dir.), Paris et ses chemins de fer, Paris : Action artistique de la Ville de Paris, 2003.
CHEMETOV Paul et MARREY Bernard, Familièrement inconnues… Architectures, Paris, 1848-1914, Paris : Secrétariat d’Etat à la Culture / CNMHS, 1976.
KIENE Michael, Jacques Ignace Hittorff, précurseur du Paris d’Haussmann, Paris : Éditions du Patrimoine, 2011.
KIENE Michael, Hittorff réseautiste, Université et bibliothèque municipale de Cologne, 2024.
Rails & Histoire
Ancien Hôtel Denain
Date : 1912 Architectes : Lebas et Dupard
Façade du bâtiment © V. Guiné - CAUE 75, 2024
Un ancien hôtel pour voyageurs
Situé à proximité de la gare du Nord, dans un tissu urbain dense de type haussmannien, aux immeubles strictement alignés et aux façades régulières, ce remarquable immeuble accueillait autrefois un hôtel pour voyageurs. La forme restreinte de la parcelle n'a pas permis d'installer plus de neuf chambres par étage.
Une conception d'architecture modulable… dès 1902 !
La distribution des pièces dans les étages a été pensée directement par l'architecte pour permettre de transformer les chambres de cet hôtel en appartements.
Plans du bâtiment © Cité de l'architecture et du patrimoine, La construction moderne n°11, déc. 1902
Coupe transversale du bâtiment © Cité de l'architecture et du patrimoine, La construction moderne n°11, déc. 1902
Une structure à pans de fer derrière une façade très décorée
L'ensemble des murs de l'immeuble sont construits en pans de fer, excepté le mur de façade qui est en pierre de taille. La façade est décorée de sculptures exécutées par Jacquier. Les décors sculptés intérieurs en carton-pierre (matériau à base de papier broyé, de colle, de poudre de craie et d'huile de lin) et staff (matériau composé de plâtre, de filasse de palmier et de jute ou de silicone) sont l'œuvre de M. Julien.
Planche dessinée du bâtiment, Motifs d'architecture moderne, L. Noé, 1920 © Università di Bologna
Détail des décors de la façade du bâtiment © V. Guiné - CAUE 75, 2024
Sources :
La construction moderne, n°11 (déc. 1902).
Bâtiment de l’Étoile du Nord
Date : 1862 Architecte : Jules-Léon Lejeune (1800-1877)
La façade de l’Étoile du Nord © Philippe Fraysseix / SNCF SARDO Médiathèque
La création de la Compagnie du chemin de fer du Nord
La Compagnie du chemin de fer du Nord exploite le réseau ferroviaire du Nord de la France entre 1845 et 1938. Cette société ferroviaire est créée le 20 septembre 1845 par le banquier James de Rothschild et ses associés, pour exploiter la concession par l'État des lignes reliant Paris à la frontière belge, passant par Lille et Valenciennes, avec des embranchements annexes. À l’époque, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais connaît une croissance fulgurante, à laquelle la compagnie va prendre part. Dès 1846, elle rachète les autres compagnies ferroviaires existantes, obtenant le monopole et fait fortune avec le trafic de charbon.
Portrait du baron James de Rothschild (1792-1868), entre 1860 et 1868 © Paris Musées/Musée Carnavalet – Histoire de Paris
Le siège de la compagnie
Commandée par Rothschild, la construction du bâtiment d’administration fait partie intégrante du projet de construction de la gare du Nord. Si le siège et les bureaux de la compagnie sont installés dans un premier temps dans la gare du Nord à partir de 1851, son développement nécessite de déménager dans de plus grands locaux. Le siège s’installe alors dès 1862 dans le bâtiment appelé depuis 2012 “l'Étoile du Nord”. C’est l’architecte de la Compagnie du chemin de fer, Jules-Léon Lejeune, qui dirige le chantier.
La salle des titres
La verrière © Philippe Fraysseix / SNCF SARDO Médiathèque
Il s’agit notamment pour les compagnies de pouvoir accueillir leurs actionnaires qui viennent aux guichets acheter des titres ou retirer leurs dividendes. Les sièges des compagnies sont de ce fait dotés de « salles de titres » comme les banques. C’est la salle centrale qui est couverte par la majestueuse verrière à l'intérieur de la cour du bâtiment qui tient ce rôle pour le bâtiment de la Compagnie du Nord.
L’atrium de l’Étoile du Nord © Philippe Fraysseix / SNCF SARDO Médiathèque
L’enjeu de l’architecture est de les persuader de la richesse, de la solidité et du prestige de la compagnie à travers le faste du décor.
Les détails de mosaïque du sol de la salle des titres © Philippe Fraysseix / SNCF SARDO Médiathèque
L’escalier monumental © Philippe Fraysseix / SNCF SARDO Médiathèque
On y trouve une large plaque commémorative en marbre, sur laquelle figurent les noms des membres importants du conseil d’administration et des chefs de service de l’ancienne compagnie, l'équivalent des directeurs généraux : Édouard Delebecque (1832-1888), ingénieur en chef matériel et traction, Félix et Ferdinand Mathias - Félix était ingénieur des arts et manufactures attaché au service de la Traction du chemin de fer de Versailles, Ferdinand contribua à la construction des ateliers d’Hellemmes -, ou encore Jean-Gaston Du Bousquet (1839-1910), concepteur de locomotives à vapeur.
Elle témoigne d’une culture d’entreprise fondée sur le pouvoir économique (les administrateurs) et la compétence technique (les ingénieurs) réunis sous la même autorité.
La plaque commémorative © Philippe Fraysseix / SNCF SARDO Médiathèque
Les membres de la compagnie se réunissaient entre eux dans les différentes salles des étages, également dotées de riches décors boisés rappelant les intérieurs des trains, comme en témoignent les salles “Baudez” et “Petite Rothschild”.
Salle Baudez © Philippe Fraysseix / SNCF SARDO Médiathèque
Salle Petite Rothschild © Philippe Fraysseix / SNCF SARDO Médiathèque
De la Compagnie du Nord à la SNCF
L’héritage de la riche Compagnie du Nord est central dans l’histoire de la SNCF. C’est René Mayer, de la Compagnie du chemin de fer du Nord, qui a conduit les négociations ayant abouti à la constitution de la SNCF le 31 août 1937. Son premier directeur général est Robert Le Besnerais, qui occupait cette fonction à la Compagnie du Nord.
Jusqu'en juillet 2024, une partie des services de SNCF Réseau était installée dans ce bâtiment, désormais propriété d'un groupe bancaire et qui devrait devenir un hôtel.
La passerelle de la rue Maubeuge
En 1877, en même temps que l’extension du bâtiment d’administration, il est décidé de relier les deux bâtiments à la fois par une passerelle à trois niveaux, ainsi que par une galerie souterraine. La passerelle de la rue Maubeuge est encore visible.
La passerelle qui relie les deux bâtiments de la Compagnie du chemin de fer du Nord au-dessus de la rue de Maubeuge © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Sources :
Rails & Histoire
Ville de Paris, Plan Local d’Urbanisme, Annexes VI : Protections patrimoniales du 10ᵉ arrondissement, approuvé par délibération du Conseil de Paris des 4, 5, 6 et 7 juillet 2016.
Ancien atelier Gillet
Date : après 1872 Architecte : inconnu
© V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Un atelier de renom
Au n°9 rue Fénelon, se dresse l'ancien atelier des céramistes Gillet. Le père, François Gillet (1822-1889), a participé à la réalisation des laves émaillées de l’église Saint-Vincent-de-Paul. En 1872, il rachète le fonds de commerce à la veuve de Hachette (successeur de Mortelèque) et s’installe dans l’immeuble voisin du n°7 rue Fénelon qu’il occupait précédemment. Il fait construire l’atelier Gillet au n°9. Son fils, Eugène Gillet (1859-1938) est notamment célèbre pour avoir travaillé avec Hector Guimard aux accès du métro de Paris et à la maison Coilliot à Lille.
Une petite histoire de la lave émaillée
Luca della Robbia © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Bernard de Palissy © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Ferdinand Mortelèque © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
La façade de l’atelier est richement décorée de peintures sur lave. Rythmés par des pilastres cannelés rappelant les colonnes du portique de l’église voisine, ces décors sont constitués de plusieurs éléments notables : - deux frises retraçant l’histoire de la céramique et de l'émaillage à travers les époques, - des médaillons représentant les trois célèbres créateurs (de gauche à droite, Luca della Robbia et Bernard de Palissy tous deux artistes, et celui de Ferdinand Mortelèque, chimiste), - deux plaques datées de 1861 et de 1914, jalons dans l’histoire de l’atelier Gillet, qui encadrent la porte.
Les frises encadrant la porte © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Sur la frise horizontale de droite, vous remarquerez Ferdinand Mortelèque, chimiste fabricant de couleurs pour la peinture sur porcelaine, converser avec François Gillet représenté en compagnie du peintre Jules Jollivet (F. Mortelèque assis avec cornue de chimiste au pied, F. Gillet en bleu les bras croisés et J. Jollivet en noir tenant une palette dans la main droite).
Détail d'un des décors en lave émaillée de la façade. Ici, la médaille d'argent de l'Exposition universelle reçue par François Gillet en 1875 © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Ces décors célébrant une médaille d’argent reçue à l'Exposition universelle à Paris en 1875 et une médaille d’or reçue à celle de 1879 sont curieusement datés. En effet, les Expositions universelles de Paris pouvant correspondre à l'époque de l’atelier de François Gillet ont eu lieu en 1867, 1878 et 1889.
Le hall de l'immeuble © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
À l'intérieur de l'immeuble, des décorations en céramiques de style Art nouveau se mêlent à d’autres décors de styles mauresque et japonisant dans le hall d'entrée et sur les façades de la cour.
En 1885, l'immeuble devient le siège social de l’entreprise Gillet (seuls quelques ateliers sont conservés) et les ateliers et les fours déménagent dans l’usine de La Briche, située à Saint-Denis.
Sources :
BRIAUD Maréva, Hachette et Cie : fabricant de lave émaillée, dialogue entre architecture et artisanat dans le milieu des arts décoratifs au XIXᵉ siècle, mémoire sous la direction de M.-J. Dumont ; A. Perron, Y. Plouzennec, École Nationale d’Architecture de Paris-Belleville, sept. 2023.
DESCOUTURELLE Frédéric, PONS Olivier, La Céramique et la lave émaillée d’Hector Guimard, éditions du Cercle Guimard, 2022.
MARREY Bernard, La céramique dans l’architecture à Paris aux XIXᵉ et XXᵉ siècles, Paris : Éditions du Linteau, 2013.
SAINT-MARTIN Josette, « La peinture sur lave émaillée des façades des églises parisiennes du XIXe siècle : une expérience de réintroduction de la polychromie », Les Cahiers de l’École du Louvre, n°13, 2019.
Parvis de l’église Saint-Vincent-de-Paul
Date : 1844 Architecte : Jacques-Ignace Hittorff Dimensions : 38 mètres de large, 80 mètres de long, 27 mètres de haut jusqu'au faîte de la nef centrale, 55 mètres de haut jusqu'au sommet des tours
L'église et son portique ionique hexastyle de temple grec surplombe la place France-Liszt © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
L'implantation dans un quartier en pleine mutation
En 1822, l'architecte Jean-Baptiste Lepère (1761-1844) est chargé d'élever l'église Saint-Vincent-de-Paul sur les terrains en pente d'une ancienne léproserie, occupés au XVIIᵉ siècle par la congrégation de la Mission fondée par Vincent de Paul, puis nationalisés à la Révolution. Le projet fait suite aux demandes des habitants du quartier qui souhaitent une église plus grande que la chapelle de la rue Montholon, qui disposait seulement de 200 places. Le chantier démarre le 25 août 1824 et Lepère associe au projet son gendre, Jacques-Ignace Hittorff (futur architecte de la gare du Nord). C’est finalement ce dernier qui est nommé architecte en titre de Saint-Vincent-de-Paul à la reprise des travaux en 1832, ceux-ci ayant été rapidement stoppés en raison de la crise économique de 1826 suivie de la révolution de 1830. L'église est consacrée le 21 octobre 1844.
L’église était donc d’abord conçue de façon très monumentale, au cœur d’un quartier neuf, le nouveau quartier Poissonnière, avant d’être de plus en plus enserrée avec le temps et l’urbanisation du quartier.
Dessin de la façade de l'église Saint-Vincent-de-Paul, Hittorf, plume et lavis, 1837 © USB Cologne
Une architecture inspirée de l'Antiquité
L’architecte s’est inspiré des temples grecs et des basiliques romaines pour la conception de cet édifice, et ce, dès la façade de l'église, conçue comme un portique constitué de douze colonnes de style ionique.
J-I. Hittorff fait en outre référence à la Trinité des Monts, une église qui à Rome surplombe un majestueux escalier du même nom, lorsqu’il décide également d’implanter un escalier monumental, qualifié d’amphithéâtre, permettant l'ascension depuis la place jusqu’à l’église. L'escalier est orné de deux rampes à balustres et de réverbères en fonte.
Colonnes s'appuyant l'escalier inspiré par l'escalier de la Trinité-des-Monts à Rome de Francesco De Sanctis © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Le plan basilical est divisé en trois parties : la nef centrale haute de 27 mètres qui est supportée par deux rangées de colonnes aux chapiteaux ioniques et deux bas-côtés avec chapelles latérales. Les chapelles clôturées donnent l'impression d'une église à cinq nefs.
Plan au lavis, Hittorff © WRM Cologne
Des décors polémiques
Au-dessus, le grand fronton accueille « Saint Vincent de Paul prêchant au milieu des pécheurs », un groupe du sculpteur Charles Leboeuf-Nanteuil. Des plaques de lave émaillée polychromes recouvrent la façade, elles représentent des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, œuvres de Jules Jollivet (1794-1871). Jugées inconvenantes en raison de la nudité de certains personnages et de l'abondance des couleurs, les plaques émaillées furent, à la demande des paroissiens, retirées en 1861. Elles ont retrouvé leur emplacement d’origine en 2011 seulement, selon le plan initial établi par J-I. Hittorff.
Détail des peintures sur lave et du bas-relief du fronton sur le portique ionique, extrait de l'élévation de la façade, Hittorff © WRM Cologne
Sources :
KIENE Michael, Jacques-Ignace Hittorff, précurseur du Paris d’Haussmann, Paris : Éditions du Patrimoine, 2011.
KIENE Michael, Hittorff réseautiste, Université et bibliothèque municipale de Cologne, 2024.
MARREY Bernard, La céramique dans l’architecture à Paris aux XIXe et XXe siècles, Paris : Éditions du Linteau, 2013.
Mérimée Plateforme Ouverte du Patrimoine, Ministère de la culture, Notice PA00086489 “Eglise Saint-Vincent-de-Paul”, 24 juin 1993.
Rails & Histoire
SAINT-MARTIN Josette, « La peinture sur lave émaillée des façades des églises parisiennes du XIXe siècle : une expérience de réintroduction de la polychromie », Les Cahiers de l’École du Louvre, n°13, 2019.
Intérieur de l'église Saint-Vincent-de-Paul
L'imposant maître-autel au centre du chœur © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
J-I. Hittorff réintroduit la polychromie en architecture
La première particularité de l’église vient donc de ses références à l’architecture antique. J-I. Hittorff est passionné d’architecture antique, grecque, plus que romaine. Il a effectivement travaillé en Sicile sur des bâtiments grecs et s’est pris de passion pour la polychromie venant de Grèce.
C’est pour cette raison que l'architecte a souhaité faire de cette église un musée des techniques décoratives de son époque, notamment à travers la réintroduction de la polychromie : peinture à la cire, peinture sur verre, peinture sur lave…
Il met ainsi en œuvre son principe de l’unité de création, qui se traduit par une conception globale de l’architecture, du plan d’ensemble au détail. J-I. Hittorff a, de ce fait, dessiné lui-même les décors et vitraux. Il convoque en outre des artistes réputés de l’époque pour réaliser son projet.
La coupe transversale de l'abside de l'église révèle bien l'organisation en trois parties du plan basilical : la nef centrale plus haute et les chapelles sur les bas-côtés plus basses. Dessin d'Hittorff, plume et lavis, 1837 © USB Cologne
La nef principale est formée d'une charpente richement ornée de dorures. Les deux étages de colonnades sont couronnés par une grande frise ornementale illustrant 235 saints et saintes s’avançant vers le sanctuaire. Elle a été peinte entre 1848 et 1853 par Hippolyte Flandrin (1809-1864) qui réalise au même moment (de 1842 à 1863) le décor de Saint-Germain-des-Prés.
Au-dessus du chœur, la coupole représente le Christ bénissant les enfants que lui présente Saint Vincent de Paul, peinte par François-Edouard Picot (1786-1868). Sous cette coupole, le maître-autel est magnifié par un grand baldaquin en bois sculpté et doré, qui surplombe un calvaire du sculpteur François Rude (1784-1855).
Détail de la statue de la Vierge à l'enfant, sculpture d'Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887) © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
En face de la nef et au-delà du chœur, se trouve la chapelle de la Vierge en forme d'hémicycle (agrandie en 1869 par Édouard Villain). Elle est couverte par une voûte en quart de sphère. Son très beau décor est exécuté entre 1885 et 1889 par le peintre William Bouguereau (1825-1905).
Sur cette coupe longitudinale de l'église, nous remarquons que la chapelle de la Vierge à l'enfant n'est pas encore agrandie. Dessin d'Hittorff, plume et lavis, 1837 © USB Cologne
Un emploi du métal insoupçonné
La seconde particularité de l’église Saint-Vincent-de-Paul se trouve dans le nombre conséquent d’éléments en fer et en fonte qui la composent, de façon apparente mais aussi cachée, car le bâtiment se doit d’être extrêmement armé. L’emploi innovant du métal se trouve ainsi dans sa charpente métallique.
Le fer apparaît sous forme de grilles, candélabres, portes, etc. : la frise autour du fronton de la façade principale, la porte monumentale en fer et en fonte, le baptistère en fonte dessiné par J-I. Hittorff, l’orgue de Cavaillé Coll. Le fer est ensuite recouvert de couleur cuivreuse ou couleur dorée.
Détail des grilles en fonte de clôtures des chapelles, Hittorff © WRM Cologne
Ces éléments en fonte sont issus de la fonderie Calla, principal fournisseur de fontes à Paris à partir de 1820. Enfin, l’église est équipée d’un éclairage au gaz, également signe de modernité au XIXᵉ siècle. Autre signe de modernité, les deux cadrans en bas des tours, celui de droite un cadran d’horloge, celui de gauche donnant la date.
Les fonts baptismaux en fonte, des ateliers Christophe-François Calla © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Sources :
KIENE Michael, Jacques-Ignace Hittorff, précurseur du Paris d’Haussmann, Paris : Éditions du Patrimoine, 2011.
KIENE Michael, Hittorff réseautiste, Université et bibliothèque municipale de Cologne, 2024.
MARREY Bernard, La céramique dans l’architecture à Paris aux XIXe et XXe siècles, Paris : Éditions du Linteau, 2013.
Mérimée Plateforme Ouverte du Patrimoine, Ministère de la culture, Notice PA00086489 “Eglise Saint-Vincent-de-Paul”, 24 juin 1993.
Rails & Histoire
SAINT-MARTIN Josette, « La peinture sur lave émaillée des façades des églises parisiennes du XIXe siècle : une expérience de réintroduction de la polychromie », Les Cahiers de l’École du Louvre, n°13, 2019.
Place Franz-Liszt
Date : 1825-1835 Architecte : Achille Leclère
Ancien clos Saint-Lazare
Le clos Saint-Lazare et la butte Montmartre en 1848, Masson, Louis-Martial-Théodat © Paris Musées/Musée Carnavalet – Histoire de Paris
Ici, se trouvait l'ancien enclos Saint-Lazare, ou « Clos Saint-Lazare ». Établi au Moyen Âge (début du XIIᵉ siècle), le clos Saint-Lazare était destiné à isoler les lépreux du reste de la ville, pour éviter la contagion et soigner les malades. La léproserie jouxtait un vaste terrain agricole entouré de remparts au sein desquels différents services étaient implantés, faisant de cet endroit un véritable village relativement autonome en bordure de la ville.
Extrait de la deuxième carte du Terrier de la maison Saint-Lazare-lès-Paris, seigneurie de la Chapelle Saint-Denis [lieu-dit les Couronnes] clos en 1780 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
Plan du périmètre compris entre la rue de Clichy, la rue Saint-Lazare, la rue du Faubourg Poissonnière et la colline de Montmartre. Quartier du 9ᵉ arrondissement © Paris Musées/Musée Carnavalet – Histoire de Paris
Au XVIᵉ siècle, les cas de lèpre deviennent beaucoup plus rares et le lieu se transforme en prieuré. Au XVIIᵉ siècle, le prieuré accueille la maison-mère de la congrégation de la Mission fondée par Vincent de Paul et devient la Maison Saint-Lazare : un espace regroupant une prison, un couvent, un hôpital et un séminaire.
[Création d'un hôpital modèle à Paris.] "Vue générale de l'hôpital modèle projeté, pour 600 lits au Clos Saint-Lazare, à Paris, par Marchebeus, architecte © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
La Maison Saint-Lazare perdure jusqu’au XVIIIᵉ siècle, où elle est finalement transformée en prison après que le bien a été nationalisé à la Révolution Française. L’héritage hospitalier et religieux du 10ᵉ, anciennement hors-les-murs de Paris, est toujours visible dans le quartier : hôpital Lariboisière, hôpital Fernand-Widal, ancien couvent des Récollets par la suite hôpital militaire (actuelle Maison de l’architecture d’Île-de-France).
Immeubles parisiens. 2-4 place Franz Liszt, 29 rue des Petits Hôtels. 1920 © Charles Lansiaux / DHAAP
Resté longtemps inoccupé, le terrain est racheté dans les années 1820 puis loti autour de l’église Saint-Vincent-de-Paul et de la place Franz-Liszt.
Le lotissement du nouveau quartier Poissonnière
Place Franz-Liszt © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Dans la première moitié du XIXᵉ siècle, l’urbanisation se concentre dans le nord de Paris, faisant de ces arrondissements des témoins remarquables des constructions de la Restauration. C'est en 1824 avec l'avènement de Charles X que naissent les premiers grands lotissements, à l’intérieur de l’enceinte des Fermiers Généraux. Avec le quartier de l’Europe (lotissement de “la Nouvelle Athènes”), le lotissement du nouveau quartier Poissonnière, situé à l’emplacement de l’ancien enclos Saint-Lazare, est l’un des premiers et des plus exemplaires. Ces opérations sont rendues possibles par la création d’importantes sociétés immobilières regroupant des banquiers renommés qui financent leur réalisation.
Plan des anciennes enceintes de Paris (1180-1845), Clément-Serveau, 1937 © Paris Musées/Musée Carnavalet – Histoire de Paris
Le projet d’urbanisme du "Nouveau quartier Poissonnière" est confié à Achille Leclère. Il conçoit le quartier autour d’une place décagonale, la place Charles X (elle prendra le nom de place La Fayette en 1830 puis place Franz-Liszt à partir de 1962), dominée en son centre par l’église Saint-Vincent-de-Paul, sur la butte Saint-Lazare. L'architecte Jean-Baptiste Lepère commence la conception de l’église qui sera reprise par Jean-Ignace Hittorff en 1844. Ce dernier est à l’initiative du monumental escalier à trois paliers devant la façade dégagée.
Ce mode d’urbanisation correspond aux prémices de celui qui se généralisera sous le Second Empire avec les travaux du baron Haussmann : la ville est pensée comme un système dont le réseau de voies relie des quartiers, lotissements ou monuments. Les voies sont hiérarchisées par leur largeur : la rue La Fayette et le boulevard de Magenta qui sont nouvellement percés sont des voies majeures. À l’exception des abords de l’église, le lotissement est peu végétalisé, les îlots résidentiels étant conçus de façon très dense.
n°8 place Franz-Liszt. Façade. Paris (10ᵉ arr.) 1967 © Commission du Vieux Paris / DHAAP
Construits entre 1825 et 1835, ces îlots sont de parfaits exemples de « l’immeuble Restauration ». À l’époque, les maisons médiévales laissent place à une nouvelle typologie de l’immeuble parisien : l’immeuble de rapport. Cette construction au décor très riche introduit les modalités d’écriture de l’immeuble ordonnancé bourgeois du XIXᵉ siècle : arcade, balcon filant, fronton, couronnement, volet et persienne… sont autant d’éléments de modénature caractéristiques. Le n°7 de la place, conçu par l’architecte-urbaniste Auguste Constantin (également mobilisé pour le lotissement de la Nouvelle Athènes), est particulièrement remarquable.
Les détails en façades © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Sources :
BOURILLON, Florence (dir.) ; JIMÉNO, Frédéric (dir.) ; et BOWIE, Karen (dir.), Du clos Saint-Lazare à la gare du Nord : Histoire d’un quartier de Paris, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2018.
Histoires & vies du 10ᵉ
LAMBERT-BRESSON Michèle, TERADE Annie, Villes françaises dans la première moitié du XIXe siècle, embellissement, équipement, transformations, Paris : Éditions Recherches (Cahiers de l’Ipraus), 2006.
LOYER François, Paris XIXème siècle : l’immeuble et la rue, Vanves : Hazan, 1987.
Rails & Histoire
Marché Saint-Quentin
Date : 1866 Architecte : inconnu
De la Foire Saint-Laurent…
La foire Saint-Laurent, Maurice Sand, XIXᵉ siècle © Paris Musées/Musée de la Vie romantique
L'emplacement du marché Saint-Quentin est dédié au commerce depuis le Moyen Âge. Au XIIᵉ siècle, une foire annuelle s'y installe avec privilège du roi Louis VI Le Gros. Elle est ainsi la plus ancienne de Paris. En 1181, la foire Saint-Laurent est déplacée au centre de Paris, constituant les prémisses des fameuses halles centrales.
Dès 1183, sous l’impulsion du prieuré Saint-Lazare, se tient à nouveau annuellement une foire dans l'enclos Saint-Lazare, toujours sous le nom de foire Saint-Laurent, qui prend place pour la Saint-Laurent, du 9 août au 29 septembre.
Au marché couvert…
Ce n’est qu’à partir de 1661 que des halles en bois sont construites par les prêtres de Saint-Lazare, transformant l’ancienne foire en marché couvert, sur un terrain planté de marronniers d’environ deux hectares au nord de l’église Saint-Laurent. Il s'agit alors d'un important point d'échanges commerciaux constitués de pavillons qui tiennent lieu de boutiques temporaires. Également haut lieu de rencontre et de sociabilité, de nombreuses troupes de théâtres se représentent durant la foire, dans des préaux dédiés.
La foire disparaît à la Révolution. Le nouveau marché couvert Saint-Laurent est inauguré en août 1836, d’après les plans de l’architecte Pierre-François Nicolas Philippon. Il conçoit une halle de 2300 m² sur deux étages, ouverte quotidiennement. Elle sera expropriée seize ans plus tard pour laisser place aux percées haussmanniennes.
Plan de la Foire Saint-Laurent, Heulhard, Arthur, 1878 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
… jusqu'à l'équipement type du Paris moderne
Les premiers marchés couverts de Paris datent donc du XVIIᵉ siècle (le tout premier étant le marché des Enfants-rouges dans le quartier du Marais, construit en 1615). Mais ce modèle d'équipement de proximité se développe véritablement au XIXᵉ siècle avec les travaux de modernisation du Second Empire. L'urbanisme du baron Haussmann s'accompagne de toute une programmation d'équipements publics. Certains rayonnent à une large échelle comme les hôpitaux, prisons, ou opéras. D'autres visent à créer des centres de quartier comme la mairie d'arrondissement, le square, ou le marché alimentaire.
La structure du marché saint Quentin © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
La halle Saint-Laurent est démolie en 1852 lors du percement du boulevard de Strasbourg. Les vendeurs s’installent d’abord en 1853 dans un marché provisoire sur un terrain loué par la Ville de Paris à l’intersection des rues de Chabrol et Saint-Quentin. Puis, la halle est reconstruite à cet endroit en 1866 et renommée marché Saint-Quentin, longeant désormais le boulevard de Magenta nouvellement créé. Son architecture est qualifiée de "style Baltard" en référence aux halles centrales construites par l'architecte Victor Baltard, fameux marché au cœur de Paris surnommé "le ventre de Paris" par Emile Zola. À l'époque, les halles métalliques constituent effectivement le modèle constructif de nombreux équipements publics : abattoirs, passages couverts, gares… véritable symbole d'une architecture moderne, Napoléon III les qualifie de "parapluies de fer".
Le marché aujourd'hui
Une des entrées du marché Saint-Quentin © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Les années 1970 voient disparaître de nombreuses architectures industrielles, comme en témoigne la démolition des Halles de Baltard. Faisant face également à l’essor de la grande distribution, le marché Saint-Quentin est lui aussi menacé, avant d’être finalement sauvé puis restauré par l’architecte Patrick Rabourdin et le paysagiste Bernard Lassus. Il rouvre ses portes au public en 1982.
Sur la quarantaine de marchés couverts construits à Paris au XIXᵉ siècle, le marché Saint-Quentin constitue l'un des exemples les plus remarquables encore en place. Il est le plus grand marché couvert de Paris. La halle actuelle est proche de l'état d'origine et rares sont les marchés parisiens ainsi conservés : seuls huit marchés possèdent cette particularité, dont le marché Saint-Martin, également dans le 10ᵉ arrondissement. Par ailleurs, le bâtiment a conservé sa fonction de marché alimentaire de proximité, accueillant chaque jour une trentaine d'étals dans ses allées.
Sources :
CHEMETOV Paul et MARREY Bernard, Familièrement inconnues… Architectures, Paris, 1848-1914, Paris : Secrétariat d’Etat à la Culture / CNMHS, 1976.
HEULHARD Arthur, La Foire Saint-Laurent, son histoire et ses spectacles...., Paris : A.Lemerre, 1878.
Histoires & vies du 10ᵉ
Mairie de Paris, Direction de l’information et de la communication (DICOM), Carnet de balades à Paris, 2013-2014.
RUBELLIN Françoise, “Les théâtres de la Foire au 17<sup>e</sup> siècle”, Passerelles, Bibliothèque Nationale de France, 2023.
Sous-station électrique Magenta
Date : entre 1924 et 1927 Architecte : inconnu
La sous-station électrique Magenta © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Au n°13 cour de la ferme Saint-Lazare se trouve la sous-station électrique Magenta. Installé pour répondre à la mise en place du réseau électrique à Paris entre 1900 et 1930 et pour l'alimentation du métro, le réseau des sous-stations permet de transformer et de répartir le courant électrique sur le territoire parisien. Un premier modèle type est conçu par l'architecte Paul-Émile Friesé, célèbre architecte industriel, pour la Compagnie du chemin de fer métropolitain. Les édifices sont caractérisés par une façade entièrement vitrée, enchâssée dans une structure de métal et de briques.
La sous-station Voltaire (1908) 11ᵉ arrondissement, Paul-Émile Friesé © V. Guiné - CAUE de Paris, 2021
Le modèle initial est simplifié dans l'entre-deux-guerres. Le béton faisant son apparition et pour des raisons économique et technique, il est décidé de construire le bâtiment en béton armé. Toutefois, le parti architectural initial est conservé : les façades largement vitrées et les généreux volumes intérieurs permettant d'évacuer la chaleur émise par les importantes machines qu'accueille le bâtiment. La sous-station Magenta est un des rares exemples parisiens encore en place de sous-station électrique construite en béton armé.
Sources :
DHAAP, Commission du Vieux Paris, Séance plénière du 16 décembre 2010
Histoires et Vies du 10ᵉ
Ancien siège de la Compagnie des Chemins de fer de l'Est
Date : 1871 Architecte : Paul-Adrien Gouny (1852-1926)
© V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
L'immeuble Euro-Alsace, ancien siège de la Compagnie des chemins de fer de l'Est, est construit en 1871 par l'architecte Paul-Adrien Gouny (1852-1926), architecte en chef de la compagnie et inspecteur à l'Exposition universelle de 1878.
Rue d'Alsace, l'entrée de l'administration
La façade principale est en pierre, devant être plus fastueuse et académique que le reste du bâtiment, pour accueillir les actionnaires et impressionner les voyageurs.
Élévation de la façade côté rue d'Alsace, 1895 © SNCF-Service Archives Documentation, Centre national des archives historiques
Rue du Faubourg Saint-Denis, une architecture aux menuiseries décorées
L'architecture rue du Faubourg Saint-Denis, plus industrielle, est typique des modes constructifs du XIXᵉ siècle, avec l'utilisation de la brique, du fer et de décors en mosaïques. Vous pourrez remarquer, au-dessus des ouvertures, les vestiges des menuiseries métalliques originales, équipées à l'époque du système de menuiserie métallique breveté par le serrurier Joseph Jean Mazellet en août 1885. Il s'agit d'un système innovant de châssis vitré particulièrement répandu à cette époque. Les dimensions généreuses de ces ouvertures offrent une luminosité importante à l'intérieur du bâtiment. Les galeries marchandes utilisaient également ce système permettant de très larges surfaces vitrées.
Détail des ouvertures du bâtiment depuis le cœur d'îlot : linteau métallique décorée et soubassement en terre cuite © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Gravure des divers éléments d'une fenêtre système Mazellet en fers profilés spéciaux et en bois, extrait de la Nouvelle encyclopédie pratique du bâtiment et de l'habitation rédigée par René Champly, avec le concours d'architectes et d'ingénieurs spécialistes, Paris : H. Desforges, 1910-1914, vol.8, p.62 © gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France
Une passerelle disparue
Place du 11 novembre 1918. Gare de l'Est. Façade principale, détail © Charles Lansiaux / DHAAP
Comme le montre cette photographie ancienne, la "passerelle d'Alsace" en verre et métal, aujourd'hui disparue, permettait de traverser la rue d'Alsace pour relier directement l'aile ouest de la gare au siège de la Compagnie des chemins de fer de l'Est.
La passerelle qui reliait le siège de la Compagnie de l'Est à la gare de l'Est, juin 1923 © IGN
La corniche qui soutenait la passerelle sur la façade ouest de la gare de l'Est © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
La salle du conseil et ses cartes
Le bâtiment est doté par ailleurs de la salle Paul Gentil, du nom de l'ancien directeur général de la SNCF de 1974 à 1985. Appartenant à l'extension construite en 1880, cette salle d'apparat, terminée en 1891, est dédiée aux conseils d'administration et aux réceptions. Elle permet à la compagnie ferroviaire d’impressionner et de rassurer les milieux des affaires, politiques, investisseurs et actionnaires, journalistes, par de fastueuses réceptions.
Le salon est surnommé "salle des cartes" car ses murs sont recouverts de larges toiles marouflées représentant des cartes, réalisées par le graveur et cartographe d'origine alsacienne Henri Erhard et ses fils, auteurs par exemple des cartes de l'encyclopédie Larousse de l'époque. Ces quatre cartes représentent les transports ferroviaires à quatre échelles : le réseau ferré de l'Est de la France, le réseau ferré français, le réseau ferré européen, ainsi qu'un planisphère de toutes les grandes liaisons ferroviaires et maritimes dans le monde.
La carte du réseau ferroviaire européen dans la salle Paul Gentil © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Planisphère des liaisons mondiales depuis la France, volontairement positionné au centre de la carte © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Fait très rare à l'époque, la salle est équipée d'un système de chauffage central et de lustres aux lampes à incandescence. Comme de nombreux bâtiments recevant du public, le passage précoce à électricité était imposé pour contrer le risque d’incendie. Sur les lustres, on peut apercevoir le logo “E” de la Compagnie de l’Est et des motifs végétaux qui préfigurent l’Art nouveau.
Un des deux lustres de 12 lumières de la salle Paul Gentil © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Une des deux appliques murales de la salle Paul Gentil © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Dessin en élévation du lustre central. En haut à gauche sur la planche, la vue en plan © SNCF
Au-dessus de la double porte principale, une discrète mais très belle horloge équipe également cette salle, œuvre d'Henry Lepaute, horloger de Louis-Philippe et de Napoléon III. Il est le fournisseur exclusif des horloges des gares parisiennes, dès 1837 et l'ouverture de l'embarcadère de Saint-Germain, future gare Saint-Lazare.
Détail de l'horloge de la salle Paul Gentil © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Le projet de réhabilitation
En 2003, la SNCF lance un concours pour la réhabilitation de l'ensemble de l'îlot. En 2006, il est finalement racheté par une société de promotion immobilière qui confie le projet à l'agence d'architecture Bechu Associés. Le programme est mixte, composé de bureaux dédiés à la SNCF (700 personnes y travaillent chaque jour), de logements et de parkings. La transformation de l'ensemble est conçue dans le respect de l'architecture d'origine. Le paysagiste Patrick Blanc y créé un mur végétal sur l'intégralité d'une façade aveugle en cœur d'îlot. L'opération est livrée en 2008.
La façade de l'immeuble vue depuis le cœur d'îlot du passage Delanos © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Raccourci méconnu pour relier la gare du Nord et de l'Est, l'îlot peut pourtant être traversé en journée entre 7h et 19h.
Sources :
BELHOSTE Jean-François, “Jeux de pleins et de vides” in PORRINO Matteo (dir.), Transparence et légèreté en architecture. Façades, murs rideaux, enveloppes intelligentes, 1790-2025, Paris : Infolio, 2024.
Rails & Histoire
SNCF
Ville de Paris, Plan Local d’Urbanisme, Annexes VI : Protections patrimoniales du 10ᵉ arrondissement, approuvé par délibération du Conseil de Paris des 4, 5, 6 et 7 juillet 2016.
Rue d'Alsace
Date : 1830-1870
La porte cochère, surmontée d'une tête de vache, du passage Delanos © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Le passage Delanos
Le passage Delanos relie la rue du Faubourg Saint-Denis à la rue d’Alsace. Il est formé de trois cours successives en enfilade. Les deux premières cours ont été construites en 1830, tandis que la dernière date du Second Empire. Ce passage tire son nom de son occupation d’origine par une enseigne de laiteries.
Vue perspective de l'intérieur du passage Delanos vers la rue d'Alsace, 1920 © Charles Lansiaux/DHAAP
À Paris, la consommation de lait au petit-déjeuner se généralise à la fin du XVIIIᵉ siècle. Le lait est alors vendu par des laitières sur la voie publique, jusqu’en 1837 où une circulaire les interdit afin de désencombrer les rues.
Au XIXᵉ siècle, le commerce de lait se développe alors à travers des laiteries ou crèmeries : boutiques vendant les produits laitiers provenant des vacheries implantées dans les villages autour de Paris et acheminés par le chemin de fer. À l’époque, deux enseignes principales se partagent près de 180 boutiques dans la capitale : les laiteries Delanos et Delacour.
Au n°148 rue du Faubourg-Saint-Denis s’implante l’enseigne “Delanos et Petit”, qui devient Laiterie centrale puis le groupe Bachimont. La laiterie quitte le n°148 en 1882. Au-dessus de la porte cochère de la rue du Faubourg-Saint-Denis, la sculpture représentant une tête de vache rappelle encore le passé du lieu.
Les ouvertures en plein cintre des anciennes étables © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
Le réalisateur Henri Verneuil y tourna une courte scène en 1969 du film Le clan des Siciliens avec Alain Delon, Jean Gabin et Lino Ventura. Roger Sartet (Alain Delon) tente d'échapper au commissaire Le Goff (Lino Ventura) en traversant le passage Delanos avant de sauter sur les quais de la gare depuis le haut de l'escalier à double rampe de la rue d'Alsace.
L'escalier à double rampe de la rue d'Alsace
L'escalier à double volée © V. Guiné - CAUE de Paris, 2024
L'escalier de la rue d'Alsace est un escalier à double volée qui permet de rejoindre la gare du Nord. Il abrite de nombreuses fonctions insoupçonnées.
Chemin de fer de l'Est - coupe du mur du soutènement suivant AB, rue d'Alsace © Archives de Paris, VO11 74(1). Téléchargement du 26/03/2024
L’escalier a été construit au-dessus des canalisations qui acheminaient l'eau depuis le bassin de la Villette. Depuis, une colonne d’aération pour le métro de la ligne 4 a été installée au centre des escaliers tournants.
Photographie au pied de l'escalier de la rue d'Alsace. En arrière-plan à droite, la passerelle d'accès entre la rue d'Alsace et la gare de l'Est, 1920 © Charles Lansiaux/DHAAP
Cet escalier fut aussi le décor de très nombreux films, comme Le fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet sorti en 2001.
Sources :
Histoires & vies du 10ᵉ
Ville de Paris, Plan Local d’Urbanisme, Annexes VI : Protections patrimoniales du 10ᵉ arrondissement, approuvé par délibération du Conseil de Paris des 4, 5, 6 et 7 juillet 2016.
Activités annexes
Accéder au au parcours
Bus
Gare de l'Est (ligne 31)
Métro
Gare de l'Est (lignes 4, 5, 7)
Vélib'
Station n°10161 Gare de l'Est-Faubourg Saint-Martin
Station n°10023 Gare de l'Est-Verdun