Matrimoine Habité d’Aubervilliers à Villetaneuse
Aubervilliers, Saint-Denis, Epinay-sur-Seine et Villetaneuse
Les métiers de la construction et les formations en architecture ont longtemps été réservés aux hommes. Ce n’est qu’au tout début du XXème siècle que l’enseignement académique de l’architecture s’ouvre enfin aux femmes. Malgré les stéréotypes, les femmes évoluent souvent au sein d’agence ou en tandem avec un homme, ce qui leur permet d’investir peu à peu le champ de la construction et de concevoir notamment des ensembles de logements.
C’est particulièrement le cas sur les villes de Plaine Commune qui comptent plusieurs réalisations exemplaires : Juliette Tréant-Mathé, architecte pionnière des années 1930, Renée Gailhoustet, Grand Prix national de l’architecture en 2022, Martine Deslandes ou encore Maria Deroche dans les années 1970-1980, elles participent toutes à leur manière à fabriquer durablement la ville.
Enfourchez votre vélo et parcourez avec le CAUE de Seine-Saint-Denis les villes d’Aubervilliers, d’Epinay-sur-Seine, de Saint-Denis et de Villetaneuse afin de connecter entre elles les réalisations architecturales de ces bâtisseuses.
Ce parcours a été réalisé en partenariat avec :
Aperçu du parcours
Quartier de la Maladrerie
Le quartier de la Maladrerie à Aubervilliers © Martin Argyroglo
Renée Gailhoustet (Oran, Algérie, 1929 - Ivry-sur-Seine, 2023) est sans doute aujourd’hui l’une des femmes architectes les plus connues de France.
Le parcours que nous vous proposons de suivre vous permettra de voir trois de ses réalisations : le quartier de la Maladrerie à Aubervilliers, l’ilot 8 dans la ZAC Basilique de Saint-Denis et sa dernière réalisation à Villetaneuse.
Renée Gailhoustet, une trajectoire unique
Renée Gaihloustet est l’une des seules femmes à avoir accédé en France à un volume de commandes architecturales aussi important et en son nom propre, dans les années 1970 et 1980. Si elle fait figure d’exception par son genre, elle n’a jamais revendiqué ni un statut de femme architecte, ni encore moins une “architecture féminine”. Elle entre en 1953 aux Beaux-Arts de Paris pour étudier l’architecture, en suivant les cours de l’atelier de Marcel Lods (1891-1978) qui est alors le seul atelier mixte de l’école. Elle y fait la rencontre de camarades (Jean Renaudie, Francis Gaussel), très engagés politiquement à gauche, qui seront des compagnons de route pour toute sa carrière.
Après quelques expériences dans de grandes agences, sa carrière s’accélère quand elle se voit confier en 1962 la responsabilité de l’aménagement du centre-ville d’Ivry-sur-Seine. Elle y développera une architecture audacieuse, exploratoire et faisant la part belle aux expériences combinatoires théorisées par Jean Renaudie. Cette architecture généreuse sera repérée par la Sodedat 93, organisme aménageur séquano-dyonisien, qui l’invitera en 1975 à matérialiser ses enseignements sur un terrain de 10 hectares : le futur quartier de la Maladrerie. Sa rencontre avec la Seine-Saint-Denis sera fécond : elle y construira de nombreux ensembles de logements et des établissements scolaires. Plus indirectement, de nombreux architectes passés dans son atelier et familiarisés à ses principes continueront de construire dans le département, laissant un héritage immense.
Vue de la verrière d'ateliers d'artistes au rez-de-chaussée, allée Nicolas de Staël © Laurent Kruszyk / Région Île-de-France
Des taudis à la Maladrerie
Situé sur l’emplacement d’une ancienne léproserie du XIIIème siècle, qui a donné son nom au site, le quartier de la Maladrerie a été construit à l’emplacement d’un quartier populaire composé alors de nombreuses bicoques hâtivement bricolées par les chineurs de l’entre-deux-guerres où les marchands de sommeil sévissent et les problèmes sanitaires se multiplient.
Depuis 1952, le secteur est déclaré comme insalubre par la municipalité, qui acte en 1973 une procédure de Résorption de l’Habitat Insalubre : ces 10 hectares à détruire puis à réaménager seront la première opération de la Sodedat 93, qui doit y reloger les six cent familles qui habitent sur place. Gaihloustet est missionnée par les commanditaires pour concevoir du logement social innovant, avec une volonté affichée de tourner la page des “grands ensembles” des trente glorieuses et leur architecture répétitive de barres souvent décriée. Le quartier de la Maladrerie est une réalisation à grande échelle de ses préceptes : l’ensemble est entièrement piétonnisé, les logements sont tous différents et l’architecture **combinatoire** évite tout effet de monotonie.
Le programme de la Maladrerie est varié : en plus des 1160 logements, on y trouve un foyer de travailleurs migrants, une résidence de personnes âgées, des commerces, des locaux d’activités et une quarantaine d’ateliers d’artistes. L’ensemble a été séparé en dix tranches, dont certaines ont été confiées à des jeunes architectes passés par son agence, afin qu’ils puissent démarrer leurs propres pratiques professionnelles.
Ateliers d’artiste à la Maladrerie © Martin Argyroglo / CAUE 93
Un héritage important mais fragile
Après son décès en 2023, l’oeuvre de Renée Gaihloustet a été redécouverte tardivement par le grand public. Bien que son travail soit d’une importance majeure dans l’histoire de l’architecture française, il lui faudra attendre 2018 pour recevoir la médaille d’honneur de l’Académie d’architecture et, en 2019, le Grand Prix de Berlin.
Le quartier de la Maladrerie est aujourd’hui fréquemment cité en exemple pour la qualité paysagère de sa conception et le soin particulier apporté à ses patios et terrasses végétalisées. Ces dernières se révèlent être des pistes intéressantes pour adapter la ville aux enjeux climatiques.
Classée « Patrimoine du XXe siècle » et « Architecture contemporaine remarquable », la cité a longtemps souffert de problèmes de mésusages et d’entretien des bâtiments, dont témoignent certains fers apparents et des bétons détériorés sur les façades. Elle a également été menacée de démolition partielle, dans un projet global de rénovation du quartier du fort d’Aubervilliers, mais a bénéficié de la forte mobilisation d’habitants de la cité réunis dans collectif visant à protéger “la Mala”.
Une inscription “Réhabilitons la Maladrerie”, traduit en plusieurs langues © Hugo Trutt / CAUE 93
Quartier de la Maladrerie
Le quartier de la Maladrerie à Aubervilliers © Martin Argyroglo
Renée Gailhoustet (Oran, Algérie, 1929 - Ivry-sur-Seine, 2023) est sans doute aujourd’hui l’une des femmes architectes les plus connues de France.
Le parcours que nous vous proposons de suivre vous permettra de voir trois de ses réalisations : le quartier de la Maladrerie à Aubervilliers, l’ilot 8 dans la ZAC Basilique de Saint-Denis et sa dernière réalisation à Villetaneuse.
Renée Gailhoustet, une trajectoire unique
Renée Gaihloustet est l’une des seules femmes à avoir accédé en France à un volume de commandes architecturales aussi important et en son nom propre, dans les années 1970 et 1980. Si elle fait figure d’exception par son genre, elle n’a jamais revendiqué ni un statut de femme architecte, ni encore moins une “architecture féminine”. Elle entre en 1953 aux Beaux-Arts de Paris pour étudier l’architecture, en suivant les cours de l’atelier de Marcel Lods (1891-1978) qui est alors le seul atelier mixte de l’école. Elle y fait la rencontre de camarades (Jean Renaudie, Francis Gaussel), très engagés politiquement à gauche, qui seront des compagnons de route pour toute sa carrière.
Après quelques expériences dans de grandes agences, sa carrière s’accélère quand elle se voit confier en 1962 la responsabilité de l’aménagement du centre-ville d’Ivry-sur-Seine. Elle y développera une architecture audacieuse, exploratoire et faisant la part belle aux expériences combinatoires théorisées par Jean Renaudie. Cette architecture généreuse sera repérée par la Sodedat 93, organisme aménageur séquano-dyonisien, qui l’invitera en 1975 à matérialiser ses enseignements sur un terrain de 10 hectares : le futur quartier de la Maladrerie. Sa rencontre avec la Seine-Saint-Denis sera fécond : elle y construira de nombreux ensembles de logements et des établissements scolaires. Plus indirectement, de nombreux architectes passés dans son atelier et familiarisés à ses principes continueront de construire dans le département, laissant un héritage immense.
Vue de la verrière d'ateliers d'artistes au rez-de-chaussée, allée Nicolas de Staël © Laurent Kruszyk / Région Île-de-France
Des taudis à la Maladrerie
Situé sur l’emplacement d’une ancienne léproserie du XIIIème siècle, qui a donné son nom au site, le quartier de la Maladrerie a été construit à l’emplacement d’un quartier populaire composé alors de nombreuses bicoques hâtivement bricolées par les chineurs de l’entre-deux-guerres où les marchands de sommeil sévissent et les problèmes sanitaires se multiplient.
Depuis 1952, le secteur est déclaré comme insalubre par la municipalité, qui acte en 1973 une procédure de Résorption de l’Habitat Insalubre : ces 10 hectares à détruire puis à réaménager seront la première opération de la Sodedat 93, qui doit y reloger les six cent familles qui habitent sur place. Gaihloustet est missionnée par les commanditaires pour concevoir du logement social innovant, avec une volonté affichée de tourner la page des “grands ensembles” des trente glorieuses et leur architecture répétitive de barres souvent décriée. Le quartier de la Maladrerie est une réalisation à grande échelle de ses préceptes : l’ensemble est entièrement piétonnisé, les logements sont tous différents et l’architecture **combinatoire** évite tout effet de monotonie.
Le programme de la Maladrerie est varié : en plus des 1160 logements, on y trouve un foyer de travailleurs migrants, une résidence de personnes âgées, des commerces, des locaux d’activités et une quarantaine d’ateliers d’artistes. L’ensemble a été séparé en dix tranches, dont certaines ont été confiées à des jeunes architectes passés par son agence, afin qu’ils puissent démarrer leurs propres pratiques professionnelles.
Ateliers d’artiste à la Maladrerie © Martin Argyroglo / CAUE 93
Un héritage important mais fragile
Après son décès en 2023, l’oeuvre de Renée Gaihloustet a été redécouverte tardivement par le grand public. Bien que son travail soit d’une importance majeure dans l’histoire de l’architecture française, il lui faudra attendre 2018 pour recevoir la médaille d’honneur de l’Académie d’architecture et, en 2019, le Grand Prix de Berlin.
Le quartier de la Maladrerie est aujourd’hui fréquemment cité en exemple pour la qualité paysagère de sa conception et le soin particulier apporté à ses patios et terrasses végétalisées. Ces dernières se révèlent être des pistes intéressantes pour adapter la ville aux enjeux climatiques.
Classée « Patrimoine du XXe siècle » et « Architecture contemporaine remarquable », la cité a longtemps souffert de problèmes de mésusages et d’entretien des bâtiments, dont témoignent certains fers apparents et des bétons détériorés sur les façades. Elle a également été menacée de démolition partielle, dans un projet global de rénovation du quartier du fort d’Aubervilliers, mais a bénéficié de la forte mobilisation d’habitants de la cité réunis dans collectif visant à protéger “la Mala”.
Une inscription “Réhabilitons la Maladrerie”, traduit en plusieurs langues © Hugo Trutt / CAUE 93
Les “Toits-Bleus” de Fiumani-Jacquemot (1986)
Perspective sur les “Toits Bleus”, depuis la rue Danielle-Casanova © Martin Argyroglo
Il est difficile de ne pas remarquer cet ensemble de logements du tandem mixte formé par Katherine Fiumani et Gilles Jacquemot, à la tête de l’agence AUFJ (Architecture Urbanisme Fiumani Jacquemot). La couleur de la couverture de ces logements leur a valu le sobriquet de “toits bleus” par les habitants, qui les surnomment aussi “les schtroumpfs” ou les “cocottes en papier”.
Une architecture lyrique
Les 106 logements réalisés en 1986 s’insèrent dans un contexte urbain marqué : à l’Est, le cimetière d’Aubervilliers et à l’Ouest, les tours de 17 étages de l’ensemble HLM Charles Tillon qualifiés de “nécropole verticale” par le duo Fiumani-Jacquemot. Face à ce marasme, le duo déploie une architecture fidèle à ce qu’écrivait à leur sujet le magazine L’Empreinte : “[une architecture] Dynamique , généreuse, qualifiée d’expressionniste, voire de baroque, [qui] séduit, surprend, indispose parfois mais ne laisse jamais indifférent.".
Les formes exaltées de cet ensemble sont une réaction à la tyrannie de l’angle droit héritée du modernisme et visaient alors selon ses auteurs “un grand chambardement de ce coin oublié de la banlieue”.
Vue depuis la rue Charles-Tillon © Hugo Trutt / CAUE 93
Une opération continuée trente ans après
L’opération a été complétée en son centre, dans une dent creuse laissée vide lors de sa construction, par l’agence WRA (Wild Rabbits Architecture) qui y a livré en 2017 des logements sociaux en structure bois et une crèche associative.
Le “Pop Up Building” tire également parti du contexte compliqué : les fenêtres des logements sont uniquement orientées au nord et au sud, évitant ainsi de donner sur les tours ou le cimetière. Le bâtiment a été remarqué et a remporté plusieurs distinctions.
L’immeuble “Pop-Up” de WRA (2017) © Hugo Trutt / CAUE 93
Un duo d’architectes engagé
Après un passage dans l’agence de Renée Gailhoustet, le duo d’architecte Fiumani-Jacquemot a commencé à exercer en son nom propre, à l’invitation de cette dernière qui leur a confié la tranche n°9 de la Maladrerie. On retrouve d’ailleurs dans leur architecture une filiation et une volonté de proposer des espaces généreux aux habitants : des appartements en duplex, multi-orientés et aux plans anguleux.
Ils ont beaucoup construit en Seine-Saint-Denis, à commencer par une tranche de travaux de l’ensemble de la Maladrerie, mais aussi l’Îlot du Bocage sur l’Ile Saint-Denis (128 logements, 1979), un hôtel et salles polyvalentes à Pierrefitte (1986) et le collège Liberté à Drancy (1992).
Résidents de la Maladrerie, ils s’impliquent fortement pour la défense du quartier face aux différents projets de transformation et pour faire reconnaître la qualité de son architecture.
Programme : 106 logements PLA/PLI et locaux d’activité à Aubervilliers Maître d’œuvre : AUFJ Maître d’ouvrage : OPHLM Aubervilliers Bureaux d’études associés : BERIM – JP TOHIER SA Surface hors œuvre : 11 200 m² Réalisation du projet : 1985
Logements HLM par Catherine Furet
Logements HLM dans la ZAC Heurtault-Landy (1998) © Martin Argyroglo
Le quartier du Marcreux, où se situe cet élégant immeuble de 42 logements P.L.A. (Prêt Locatif Aidé), est emblématique des transformations qu’a connu Aubervilliers au cours du XXème siècle. Situé en bordure du canal Saint-Denis, le quartier est investi après guerre par l'industrie et l'entreposage. Dans les années 1960, la ville subit de plein fouet le déclin de l’activité industrielle qui culminera après le choc pétrolier de 1973.
Composé de friches à l’abandon et logements anciens insalubres, le secteur est rénové dans le cadre de la ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) Heurtault-Landy dans les années 1990 : le quartier est réaménagé autour du collège Rosa-Luxemburg, réalisé par les architectes Louis et Brigitte Soria.
Achevé en 1998, pour le compte de l’O.P.H.L.M. d'Aubervilliers, cet ensemble situé rues Léon Jouhaux et Heurtault est très caractéristique du style des œuvres de Catherine Furet, dépouillé et épuré.
Les trois plots, en façade, sont caractéristiques du travail de Catherine Furet - Hugo Trutt / CAUE 93
Catherine Furet, une spécialiste du logement
Catherine Furet est réputée pour sa capacité à intégrer ses bâtiments dans des parcelles complexes et à optimiser l'utilisation de la lumière dans ses conceptions. Elle s’est faite connaître par des réalisations principalement parisiennes dans des quartiers en pleine mutation, notamment avec les logements de la rue Piat (Paris 20ème arrondissement), en face du parc de Belleville en 1995, où la finesse de son intervention a été remarquée par la presse spécialisée.
Son architecture discrète ne verse jamais dans le simplisme : ses projets se caractérisent par une attention particulière au rapport entre volumes bâtis et espaces vides, avec un soin particulier apporté à la luminosité dans les logements.
Formée à l'école d'architecture de Versailles, ses professeurs la sensibiliseront à l’histoire de l’architecture. Son parcours inclut également des études en sciences sociales à l'EHESS et un séjour à l'École française de Rome, qui ont nourri et complexifié son approche.
Elle ne commencera d’ailleurs pas sa carrière par la construction mais par l’enseignement à l’école d’architecture de Clermont-Ferrand. Elle abandonnera cette activité au début des années 1990 pour se consacrer uniquement à son agence.
Marqué par son goût pour la ville ancienne, ses réalisations ne se conçoivent pas comme en opposition avec la ville existante. Elle s’évertue à faire le lien, en mobilisant une grammaire architecturale aux accents modernistes, comme ici où elle fait la passerelle entre les immeubles faubouriens du vieil Aubervilliers et les architectures récentes de la ZAC du Landy.
Peu sensible aux modes, elle produit une architecture qui se veut difficile à dater et “cousue-main” : chaque réalisation est une réponse à un contexte et une commande singulière. Prenant le temps pour seul juge, elle recherche la “pérennité urbaine” plutôt que le grand geste architectural.
Programme : 42 logements P.L.A. dans la ZAC Heurtault-Landy à Aubervilliers. Maître d’ouvrage : OPHLM Aubervilliers Réalisation du projet : 1998
Ensemble du pasteur Henri-Roser (1988)
Ensemble du pasteur Henri-Roser, 25 rue Emile Augier © Martin Argyroglo
L’AUA (Atelier d’Urbanisme et d’Architecture), dont sont issus les époux Dominique et Christine Carrill est probablement le collectif d’architectes qui a le plus durablement marqué de son empreinte la Seine-Saint-Denis. Fondé en 1960 et actif pendant 25 ans, ce “phalanstère de construction utopique” a investi la banlieue et les espaces périphériques en proposant une architecture fidèle aux préceptes du mouvement moderne, mais enrichis d’une approche pluridisciplinaire faisant la part belle à l’urbanisme et au paysage.
Après la dissolution de l’AUA, leurs membres continuent leur activité en leur nom propre, comme le duo formé par Dominique et Christine Carrill avec ces 60 logements complétés par un établissement collectif réalisés pour le compte de l’OPHLM d'Aubervilliers.
Cette agence en duo, s’associe en 2015 avec Raphaële et Alexandre Carril pour former le collectif INCAA (INternational Carril Architectes et Associés).
L’ensemble du pasteur Henri-Roser (1987) : une rue qui s’habite
La rue Emile Augier se confond avec l’intervention des Carrill, qui ont opté pour l’architecture en bande, le long d’une rue privée. Deux architectures radicalement différentes dialoguent autour d’un espace peu fréquenté par les voitures où les enfants se retrouvent pour jouer.
D’un côté, des petites maisons, reconnaissables à leur décoration en carreaux de céramique turquoise, jouent avec la typologie de la maison en bande caractéristique des logements ouvriers, type corons. D’apparence fermées sur la rue, elles sont dotées, sur l’arrière, d’un jardinet à l’abri des regards, sur lequel s’ouvrent de nombreuses fenêtres qui illuminent l’espace.
Les pavillons mitoyens, disposés tout le long de la rue © Martin Argyroglo - CAUE 93
En face, un long bâtiment à “la rigueur franciscaine” selon le magazine L’Architecture Aujourd’hui (AA) en 1987, s’étale tout en long. Des escaliers donnant sur de petites coursives donnent à l’ensemble un air de motel californien. Cette construction en R+2 abrite des logements en duplex, fidèle à la volonté de l’Office HLM de créer des logements spacieux.
Le bâtiment en long (R+2) © Hugo Trutt / CAUE 93
Au bout de la rue, un chemin souhaité par les Carrill a été ouvert et rejoint la place et le square Roser, rénové en 2022 par l’agence du paysagiste Philippe Hamelin et l’école primaire Malala Yousafzai (agence Engasser & associés, 2018) qui dessinent le nouveau visage réhabilité de ce quartier du Landy.
L’ensemble tient son nom d’Henri Roser (1899-1981), militant pacifiste qui a fondé en 1929 une mission d’évangélisation à Aubervilliers visant à améliorer les conditions de vie des habitants et à lutter contre l’alcoolisme.
Ensemble HBM “Le Gai-Logis“
Le Gai-Logis, vu depuis l’autoroute A1, en 2024 © Martin Argyroglo
Entrée à l’École des beaux-arts en 1920, alors que la formation s’ouvre à peine aux femmes, Juliette Mathé y rencontre Gaston Tréant (1892-1979), auquel elle s’associe. Leur production se concentre dès la fin des années 1920 sur le logement social qui se développe alors en région parisienne sous la typologie d’immeubles d’habitations bon marché (HBM).
Le Gai-Logis à Saint-Denis, vestige d’un quartier disparu
À Saint-Denis, l’ensemble Le Gai Logis (1928) et ses 210 logements est l’une de leurs premières réalisations. Une réhabilitation thermique un peu hasardeuse dans les années 1990 rend plus difficile la lecture extérieure de ses qualités, des balcons en béton, d’élégants appuis de fenêtres et des bow-windows dans le goût de l’époque. Ces logements, ancêtres des HLM, veillaient à donner des appartements confortables et équipés aux classes populaires, tout en respectant un objectif de compression des coûts de construction.
Vue aérienne des gazomètres du Landy à Saint-Denis, où sera construit le Gai-Logis puis le Stade de France (années 1920) © Domaine public
Aujourd’hui situé le long de l’avenue du Président Wilson, auparavant nommée avenue de Paris, le Gai-Logis est le rare témoin du passé industriel du site. Auparavant, la zone était très largement occupée par des gazomètres dont il ne reste aujourd’hui plus rien. L’arrêt de cette activité a été suivi d’un projet de réaménagement radicalement modifié par la construction de l’autoroute A1 qui relie Paris à Lille, dont le tronçon de Saint-Denis est inauguré en 1965 et puis par l’arrivée du Stade de France, inauguré en 1998 (Aymeric Zublena, Michel Macary, Michel Regembal et Claude Constantini arch.).
Juliette Tréant-Mathé a signé les plans du rez-de-chaussée, notamment des boutiques et des communs. Malheureusement, les réhabilitations successives et la documentation parcellaire permettent mal d’apprécier l'œuvre de cette pionnière. En 2024, un chantier de rénovation de l’ensemble remet à jour les briques extérieures de l’HBM, hier camouflées par de l’isolant thermique, redonnant au Gai-Logis son lustre d’autrefois.
Les briques réapparaissent lors de la rénovation de l’ensemble, en 2024 © Hugo Trutt / CAUE 93
Juliette Tréant-Mathé : une figure exemplaire et pionnière
Des travaux académiques récents, qui demeurent encore rares, mettent en lumière les premières femmes architectes à avoir exercé en France. Si la formation s’ouvre officiellement à partir de la fin du XIXème siècle, les premières étudiantes en architecture sont avant tout étrangères. Ce n’est qu’après la première guerre mondiale, en 1918, que les étudiantes françaises commencent à investir ces cursus.
Leur champ d’action est en général limité, se réduisant à de l’aménagement d’espaces intérieurs, la conception d’éléments décoratifs ou textiles. Cependant, quelques figures, comme celle de Tréant-Mathé, parviennent à accéder à la maîtrise d’œuvre et à la construction stricto sensu, en s’associant en général avec des hommes.
Gaston et Juliette Tréant-Mathé accèderont très jeunes à la commande, avec la réalisation d’un ensemble HBM pour la ville de Colombes (92) en 1922, âgés respectivement de seulement 30 et 22 ans. La majorité de leur travail est francilien : Saint-Denis, Evry, Suresnes et Paris.
Son nom est souvent cité comme l’une des représentantes de cette première génération de professionnelles exerçant en France : citons par exemple Adrienne Goska, Renée Bodecher, Jeanne Besson-Surugue ou Agnès Braunwald-Chaussemiche. Ces constructrices, sorties de l’anonymat par des chercheuses et des associations, méritent d’être redécouvertes.
Ilot 8 - ZAC Basilique
L'îlot 8 de Renée Gailhoustet, à Saint-Denis © Hugo Trutt
La ZAC Basilique, un écrin architectural autour de la sépulture des rois de France
La basilique de Saint-Denis jouit d’une notoriété énorme : bâtie sur l’emplacement de la tombe de Saint-Denis, elle est édifiée à partir du XII-XIIIe siècle et deviendra rapidement l’un des exemples les plus fameux d’architecture gothique en France. Elle est connue pour accueillir les tombeaux de nombreux rois et reines de France.
La basilique est le cœur du bourg ancien de Saint-Denis, qui a longtemps été une ville marchande prospère, où s’organisaient de nombreuses foires. La ville perdra progressivement son influence au profit de Paris. Au début du XXeme siècle, au coeur de la très industrielle Seine-Saint-Denis, le centre-ville ancien se révèle insalubre et ses logements sans confort. Le très controversé maire de la ville, Jacques Doriot - qui fut un collaborateur actif du régime nazi - ne mena pas de politique de rénovation du centre pendant ses mandatures conduisant à une détérioration irrémédiable de l’ensemble.
Dès l’après seconde guerre mondiale, alors que la ville devient communiste, sont lancés les premiers projets de rénovation du centre-ville. Plusieurs projets se suivront : celui de l’architecte André Lurçat dans les années 1950, qui proposait un modèle d’aménagement semblable à celui des “grands-ensembles”; puis ceux de ses successeurs, dont les plans seront refusés car considérés inadaptés au voisinage prestigieux de la basilique.
Soucieux de conserver l’urbanité de la vieille ville médiévale, c’est finalement le projet de la ZAC Basilique, confié à l’aménageur SODEDAT 93, qui sera retenu à partir de 1975. La spécificité de ce projet, pensé par les urbanistes Guy Naizot et Eva Samuel, est de conserver les îlots et les rues préexistantes tout en renouvelant leur architecture. Pendant près de 20 ans, ce sont dix îlots, confiés à des architectes de renom qui seront construits, faisant de la ZAC basilique l’une des plus remarquables collections d’architecture francilienne. On y retrouve pêle-mêle : Oscar Niemeyer, Henri Gaudin, Roland Simounet, Maria & Jean Deroche, et … Renée Gaihloustet !
Vue sur l'îlot 8 (c) Hugo Trutt / CAUE 93
L'îlot 8, un “îlot pivot”
Contacté par la SODEDAT 93, pour laquelle elle réalise déjà le quartier de la Maladrerie, Gailhoustet se voit ici confier une mission périlleuse : l’îlot 8, qu’elle doit signer est le point de bascule entre les trois grands pôles de la ZAC basilique que sont la Halle du Marché, la place du Caquet et la bouche du métro. En plus de sa fonction d’habitat, il doit être un connecteur pour l’ensemble du quartier.
La réponse proposée par Gailhoustet est double : en rez-de-chaussée, il est traversé de passages bordés de boutiques où la lumière naturelle perce à travers de belles verrières. Sur la dalle, elle empile 180 logements “en étoiles” dans une ligne esthétique à rapprocher d’avantage de celle de Jean Renaudie qu’à celle du reste de sa production à elle. Les logements, eux, sont fidèles à ses exigences de qualité : de nombreux duplex, l’absence de couloir, de larges terrasses plantées en pleine terre et des appartements multi-orientés. Comme à son habitude, il n’y a pas de plan standard et quasiment tous les logements sont agencés différemment.
Cette opération, qui n’est pas la plus connue de l’architecte, montre sa capacité à produire une architecture de précision, dans un contexte contraint, et un cahier des charges complexe. L’aspect artisanal de l’ensemble, qui utilise les principes de l’architecture combinatoire, apporte un souffle organique et sensible qui contraste avec la solennité de certaines réalisations voisines.
Une verrière dessinée par Renée Gaihloustet dans l’Îlot 8 © Hugo Trutt / CAUE 93
Ilot 4 - ZAC Basilique
L’ilot 4, par Jean & Maria Deroche, vu depuis la place du Caquet à Saint-Denis © Martin Argyroglo
Jean et Maria Deroche, un duo d’architectes emblématique de l’AUA
Maria Deroche, née en 1936 à Sao Paolo (Brésil), étudie l’architecture dans sa ville natale, auprès d’une génération de professeurs très talentueuse. En 1963, elle se rend en France où elle travaille dans deux grandes agences (celle de Bernard Zehrfuss, auteur de nombreuses cités en Seine-Saint-Denis puis celle d’Andrault et Parat).
Elle rencontre Jean Deroche, qu’elle épouse, puis devient salariée à l’AUA (Atelier d'Urbanisme et d'Architecture) où son mari la coopte. L’agence est à l’époque l’un des fer de lance d’une architecture innovante dans le département.
Après la dissolution de l’AUA, ils fondent en 1985 l’atelier d’architecture et d’urbanisme Jean et Maria Deroche qui leur permet d’exercer en leur nom propre. Ils résumaient ainsi leurs approches complémentaires : si Jean “[a] tendance à vouloir un peu tout régenter par l’extérieur”, alors Maria préfère “travailler par l’intérieur avec un perfectionnisme du détail”.
En dehors de la Seine-Saint-Denis, qui fut le terrain de jeu privilégié de l’AUA, c’est à la ville d’Orly dans le Val-de-Marne (94), que les Deroche furent particulièrement liés : à partir des années 1980, ils travaillèrent à réconcilier, par l’architecture, le vieux centre-ville d’Orly avec les cités construites à la hâte après la seconde guerre mondiale.
Maria Deroche est décédée le 25 janvier 2023, agée de 85 ans.
Façade depuis la rue Jean-Jaurès © Martin Argyroglo
L’îlot 4, une ville sur l’hypermarché
Dans la ZAC, Jean et Maria Deroche seront chargés de deux lots de grande importance : l'îlot 4 ainsi que la rénovation du marché couvert de Saint-Denis qui est le plus fréquenté d’Ile-de-France. Ces deux réalisations, très différentes dans la commande, permettent de mesurer la variété de leurs projets.
L'îlot 4 commence par une contrainte : il abrite un hypermarché de 5000 m², qui devait à l’origine accueillir les “Galeries Lafayette”, qui, touchées par la crise, renonceront en 1977 à s’installer à Saint-Denis. C’est au-dessus et autour de ce grand volume de surface commerciale que se déploie l'îlot.
Celui-ci, n’est pas forcément le plus identifiable : en contre-pied total de la monotonie moderniste, les Deroche firent des façades radicalement différentes pour ses 4 côtés. Cet exercice formel permet de multiplier les typologies de logements, dessinant des appartements très différents selon leur orientation : avoir un espace particulier et unique est pour eux la première étape pour que les occupants se l’approprient.
Selon les déclarations des époux, formellement, on peut voir un hommage à un paquebot peint par Fernand Léger, tout en coursives et en machineries apparentes. Si la justification est élégante, on remarque surtout un style nourri d’une grammaire constructiviste soviétique et d’emprunts à l’art-déco.
Depuis la rue, il est impossible de deviner qu’au coeur de l'îlot, si l’on pénètre sur la dalle, aujourd’hui fermée par un digicode, se trouvent des jardins, des jeux pour enfants et des petites “maisons sur dalle”. Il est possible de circuler dans cet espace en prenant l’un des nombreux cheminements et escaliers prévus par les architectes. Suite à des dégradations, les accès ont été fermés et ne sont accessibles qu’aux 211 familles qui habitent sur place.
Jardin sur la dalle en coeur d'îlot, réservé aux habitants © Hugo Trutt / CAUE 93
Résidence étudiante Pierre-Gilles de Gennes
La résidence étudiante Pierre-Gilles de Gennes, réalisée par l’agence ECDM (2008) © Martin Argyroglo
L’agence ECDM (Emmanuel Combarel Dominique Marrec architectes) est formée en 1993, par deux jeunes architectes qui ont fait leurs armes dans deux grands ateliers, respectivement chez Jean Nouvel et Claude Vasconi. Ce modèle de duo mixte, avec un fondateur et une fondatrice, commence à se répandre largement dès les années 1980-1990.
Les années 90 sont celles d’une crise importante du secteur de la construction, qui retardera leurs premières réalisations. C’est la construction, déjà, d’une résidence étudiantes à Argenteuil (Val d’Oise) en 2003 qui leur ouvrira les portes d’une reconnaissance critique de la profession avec une nomination à la prestigieuse “équerre d’argent”, qui récompense la meilleure réalisation architecturale de l’année. Depuis, l’agence s’est développée et intervient sur des grands programmes, avec une ambition écologique revendiquée depuis la création de l’agence.
La façade extérieur et son aspect de cuir gaufré © Martin Argyroglo / CAUE 93
Résidence étudiante Pierre-Gilles de Gennes (Epinay-sur-Seine, 2008)
En 2003 le bailleur rennais Espacil Habitat, pour sa première réalisation francilienne, choisit le duo ECDM pour la résidence étudiante Pierre-Gilles de Gennes, en connaissant le contexte urbain difficile du futur bâtiment. Dans une partie de la ville mal desservie par les transports en communs, il devra réussir à exister sur un axe routier très fréquenté (la route de Saint-Leu), au voisinage d’une casse automobile.
Le projet, dans une posture d’architecture provocatrice, se couvre d’un revêtement à l’aspect d’un cuir en nid d’abeille qui ressemble à s’y méprendre aux malles d’un fameux bagagiste de luxe français. Derrière cette façade sobre, les architectes réservent des surprises aux visiteurs qui dès le hall d’accueil sont surpris par un vert vif et tapageur.
La couleur est un élément essentiel du projet, qui accueille trois programmes autonomes : une résidence pour étudiants de 150 logements pour 170 résidents, 19 logements pour chercheurs ou professeurs invités et des logements pour femmes en détresse. Chaque programme s'insère dans un plan en peigne, autour de trois cours monochromatiques aux couleurs fluorescentes : vert, bleu et orange.
L’une des cours monochromatiques : ici la cour orange ” © Hugo Trutt / CAUE 93
De l’extérieur, le bâtiment ressemble plus à un équipement public qu’à un immeuble de logement social. L’agence ECDM a recherché la monumentalité pour offrir à ce quartier en plein renouveau un bâtiment pionnier, qui interpelle le regard.
Tour des Jeunes-Mariés
La tour des Jeunes-Mariés, à Villetaneuse, depuis la route de Saint-Leu © Martin Argyroglo
Un logement pas comme les autres
Martine Deslandes et son conjoint Philippe Deslandes ont conçu en 1972 la tour dite des Jeunes-Mariés (ou des jeunes célibataires). Elle doit son nom à son objet initial : elle est d’abord destinée à des stagiaires qui arrivaient en région parisienne pour des durées courtes et qui ne veulent pas “habiter dans leurs meubles”.
Cette tour est le résultat d’une commande du groupe Ocil (Office central interprofessionnel de logement), à la suite d’un colloque sur l’habitat du futur. Les logements, de deux ou trois pièces, sont loués déjà meublés avec un mobilier sur mesure adapté à son plan insolite : lit, cuisinière, frigidaire, éléments de rangement.
C’est la dernière des trois tours réalisées sur ce même modèle : on en trouve une copie à Noisiel (Seine-et-Marne) et à Cergy-Pontoise (Val-d'Oise). Le couple Deslandes est très lié aux villes-nouvelles : la réalisation de cette tour à proximité du nouveau campus universitaire, créé ex nihilo dans les années 1960, s’inscrit dans ce cadre.
Aujourd’hui, la tour accueille des célibataires comme des familles dans les 121 appartements qu’elle abrite.
La poésie du plan
Il faut mettre les courbes convexes et concaves de sa façade en regard de la production des grands ensembles qui lui sont contemporains. En refusant l’angle droit pour lui préférer un “plan en marguerite”, sculpté grâce à des coffrages glissants, les époux Deslandes s’inscrivent dans une contestation des principes directeurs des trente glorieuses.
Le “plan en marguerite” de la Tour des Jeunes Mariés
Cette forme utopique est à relier à la production d’architectes comme Emile Aillaud (concepteur des tours Nuages à Nanterre ou de la cité de l’Abreuvoir à Bobigny) qui militait pour une vision plus “poétique et culturelle” de l’architecture.
Martine Deslande, une pionnière
Née en 1931, Martine Deslandes est diplômée en architecture dans les années 1950 à une époque où les femmes restent très rares et sont mal perçues par une partie de la profession.
Si elle n’est pas inscrite à l’ordre des architectes, elle travaillera sur l’ensemble des projets de l’agence, sans signer officiellement les projets. L’agence des Deslandes œuvrera majoritairement dans les villes-nouvelles (Elancourt, Cergy, Evry-Courcouronnes).
En 1988, après le décès accidentel de son mari, elle s’assurera seule de l’achèvement des chantiers en cours. Elle est une figure importante du matrimoine architectural français du XXeme siècle et gagne à être connue du grand public.
Logements rue Etienne-Fajon
Les derniers logements construits par Renée Gailhoustet, dans le centre-ville de Villetaneuse © Martin Argyroglo
Le dernier ensemble signé Gaihloustet
À l'invitation de la SODEDAT 93, Renée Gailhoustet réalise un immeuble circulaire dans la ZAC du Centre-Ville, à côté de la mairie, entre 1993 et 1995.
Ce bâtiment se rapproche davantage d'une conception classique que des structures combinatoires présentes dans ses principales réalisations. Les façades sont construites à l'aplomb, et seul le dernier étage propose un duplex, pourtant caractéristique de son architecture.
Un immeuble en brique qui tranche avec l’apparence habituelle de ses réalisations © Martin Argyroglo / CAUE 93
L'immeuble circulaire de Villetaneuse possède néanmoins de nombreux détails significatifs de la production de Gailhoustet : des ponts habités au-dessus des voies et des terrasses végétalisées. Son traitement en brique, rappelant l'architecture hollandaise, s'inspire d'un voyage effectué par l'architecte quinze ans plus tôt, qui l'avait profondément marquée.
Cette commande, intervient dans un contexte où l’activité de son agence diminue, dans un contexte de crise généralisée de la construction. Au tarissement des financements, s’ajoute un manque de courage de la maîtrise d’ouvrage pour se lancer dans des projets d’habitat ambitieux et généreux, qui la caractérisent.
Les 91 logements de la rue Etienne-Fajon s’insèrent dans un projet global de rénovation de la ZAC du centre-ville de Villetaneuse (700 logements au total, parkings, commerces, services public et une nouvelle mairie signée par l’architecte Nina Schuch), mené dans le cadre du dispositif Banlieue 89. En dépit d’un budget contraint, elle reste fidèle à sa ligne de conduite et déclare que “les 91 logements sont tous différents, et leur distribution intérieure est aussi peu répétitive que leur disposition dans l’espace (…)”.
Un héritage immense
Depuis les années 1990, s’est développée la reconnaissance critique du travail de Renée Gailhoustet. Elle culminera dans les dernières années de sa vie : en 2014 prix des Femmes Architectes, en 2018 la médaille d’honneur de l’académie d’architecture (”alors qu’elle est presque aveugle”, selon Iwona Buczkowska) et en 2019 le prix de l’académie des Arts de Berlin. L’intérêt tardif pour cette œuvre majeure, ne semble pouvoir être expliquée uniquement par sa discrétion, préférant pratiquer l’architecture sur le terrain que dans l’espace médiatique.
Elle revendiquait une manière de travailler comme un artisan, refusant de trop théoriser son travail et prenant peu la parole dans la presse spécialisée. Si elle a occasionnellement enseigné en école, c’est surtout par son agence que son héritage a vécu. Des nombreux.ses collaborateurs et collaboratrices y sont passé.es - citons Pascale Buffard, Jacqueline Cardona, Vénéta Charlandjieva, Jean-Patrick Desse, Yves Euvremer, Vincent Fidon, Katherine Fiumani, Iwona Buczkowska, Said Oftadeh, etc. qu’elle a souvent encouragés à ouvrir leur propre activité indépendante.
A l’annonce de son décès, en 2023, de nombreux d’habitants ont fait part de leur attachement pour cette conceptrice. Dans l’ensemble du Liégat, à Ivry-sur-Seine, où elle vivait, est encore accrochée une pancarte “Merci Renée”.
Un dernier remerciement des habitants, à Ivry-sur-Seine (94) © Hugo Trutt / CAUE 93
Activités annexes
Accéder au au parcours
Bus
Bus 173 ou 250 Arrêt : Balzac
Métro
Ligne 7 Arrêt : Fort d’Aubervilliers
RER
Ligne B Arrêt : La Courneuve - Aubervilliers