Les buttes du 19ᵉ
19ᵉ arrondissement
Dès l’Antiquité, le sous-sol parisien était exploité pour ses carrières de gypse, qui donnèrent à la capitale son surnom de « Lutèce la blanche ». Les Romains avaient découvert qu’une fois portée à une température de 120°C, cette roche se transforme en plâtre. Dans le 19ᵉ arrondissement, à l’aube des années 1860, trois principales carrières sont en activité : la carrière des Buttes-Chaumont, la carrière du Centre et la carrière d’Amérique. Celles-ci emploient alors environ 800 ouvriers et produisent à elles trois 150 000 m³ par an. Les deux premières sont extraites à ciel ouvert, alors que la carrière d’Amérique est aussi exploitée en souterrain.
De la Butte du Chapeau-Rouge à la Butte Bergeyre en passant par la Butte Beauregard et les Buttes-Chaumont, découvrez comment le paysage urbain et la ville ont été marqués par cette exploitation.
© Géoportail93
Les collines du nord de Paris sont des buttes-témoin gypseuses dans le prolongement de celles qui traversent la Seine-Saint-Denis.
Aperçu du parcours
Parc de la Butte du Chapeau-Rouge : son histoire
Plan Lefèvre, 1855-1861 © École d'architecture de Versailles
Un parc marqué par la géologie et l'histoire
Le parc de la Butte du Chapeau-Rouge est caractéristique des jardins des années 1930, souvent conçus derrière les ensembles d'Habitations à Bon Marché (HBM) érigés le long des boulevards extérieurs de Paris. Il a été dessiné par l’architecte Léon Azéma en 1939 sur une surface de 46 880 m² au nord de colline de Belleville. Ce terrain faisait partie d'un grand réseau de carrières de gypse dites carrières d'Amérique, qui s'étendait jusqu'aux Buttes-Chaumont.
Surplombant la plaine du Pré-Saint-Gervais, il offre un point de vue remarquable et spectaculaire sur le nord de Paris, vers sa banlieue et la grande couronne. Il fait face aux autres buttes-témoin de Seine-Saint-Denis sur lesquelles un grand nombre de forts, de même que la tour de télécommunication de Romainville, avaient pris position pour profiter de la situation dominante. Depuis le parc, le regard s'étend d'Aubervilliers sur la gauche, jusqu’à Pantin plus à droite. Le clocher campanile en béton de l’église Notre-Dame-de-Fatima-Marie-Médiatrice, réalisée au début des années 50 par l'architecte Henri Vidal se démarque à l'Est. À ses côtés, la silhouette de l’hôpital Robert-Debré, construit entre 1984 et 1988 par l’architecte Pierre Riboulet, se distingue par sa masse blanche carrelée.
Portraits de paysages © Jean-Yves Collet
Le parc se situe au-dessus d'anciennes carrières souterraines de gypse exploitées jusqu'en 1860, dont les galeries descendaient à 1000 mètres.
Extrait du plan d'ensemble des carrières souterraines de Paris et du département de la Seine, dressé sous la direction de M. Octave Keller, dressé et dessiné par M. E. Vallet © BNF Gallica
Le parc est également localisé sur l'emprise de l'enceinte de Thiers construite en 1840, entre les bastions 21 et 22. Une partie des fondations des anciennes fortifications est d'ailleurs encore présente sous le jardin. Fortifications et zone au niveau de l'actuel Parc © Charles Lansiaux / DHAAP
Une guinguette à succès transmet son nom au lieu-dit, puis au parc. La Butte du Chapeau-Rouge, dépendante de la commune du Pré-Saint-Gervais avant la construction des fortifications, est un bastion ouvrier populaire fortement engagé. Dès 1910, les pacifistes socialistes s’y rassemblent, Jean Jaurès y tient un discours mémorable le dimanche 25 mai 1913 devant une foule de 32 000 personnes. Manifestation du Pré-Saint-Gervais contre les trois ans, discours de Jean Jaurès le 16 mars 1913, Agence Rol © BNF Gallica
Parc de la Butte du Chapeau-Rouge : son histoire
Plan Lefèvre, 1855-1861 © École d'architecture de Versailles
Un parc marqué par la géologie et l'histoire
Le parc de la Butte du Chapeau-Rouge est caractéristique des jardins des années 1930, souvent conçus derrière les ensembles d'Habitations à Bon Marché (HBM) érigés le long des boulevards extérieurs de Paris. Il a été dessiné par l’architecte Léon Azéma en 1939 sur une surface de 46 880 m² au nord de colline de Belleville. Ce terrain faisait partie d'un grand réseau de carrières de gypse dites carrières d'Amérique, qui s'étendait jusqu'aux Buttes-Chaumont.
Surplombant la plaine du Pré-Saint-Gervais, il offre un point de vue remarquable et spectaculaire sur le nord de Paris, vers sa banlieue et la grande couronne. Il fait face aux autres buttes-témoin de Seine-Saint-Denis sur lesquelles un grand nombre de forts, de même que la tour de télécommunication de Romainville, avaient pris position pour profiter de la situation dominante. Depuis le parc, le regard s'étend d'Aubervilliers sur la gauche, jusqu’à Pantin plus à droite. Le clocher campanile en béton de l’église Notre-Dame-de-Fatima-Marie-Médiatrice, réalisée au début des années 50 par l'architecte Henri Vidal se démarque à l'Est. À ses côtés, la silhouette de l’hôpital Robert-Debré, construit entre 1984 et 1988 par l’architecte Pierre Riboulet, se distingue par sa masse blanche carrelée.
Portraits de paysages © Jean-Yves Collet
Le parc se situe au-dessus d'anciennes carrières souterraines de gypse exploitées jusqu'en 1860, dont les galeries descendaient à 1000 mètres.
Extrait du plan d'ensemble des carrières souterraines de Paris et du département de la Seine, dressé sous la direction de M. Octave Keller, dressé et dessiné par M. E. Vallet © BNF Gallica
Le parc est également localisé sur l'emprise de l'enceinte de Thiers construite en 1840, entre les bastions 21 et 22. Une partie des fondations des anciennes fortifications est d'ailleurs encore présente sous le jardin. Fortifications et zone au niveau de l'actuel Parc © Charles Lansiaux / DHAAP
Une guinguette à succès transmet son nom au lieu-dit, puis au parc. La Butte du Chapeau-Rouge, dépendante de la commune du Pré-Saint-Gervais avant la construction des fortifications, est un bastion ouvrier populaire fortement engagé. Dès 1910, les pacifistes socialistes s’y rassemblent, Jean Jaurès y tient un discours mémorable le dimanche 25 mai 1913 devant une foule de 32 000 personnes. Manifestation du Pré-Saint-Gervais contre les trois ans, discours de Jean Jaurès le 16 mars 1913, Agence Rol © BNF Gallica
Parc de la Butte du Chapeau-Rouge : son aménagement
En 1925, les fortifications démolies laissent place à la "zone". Ce parc n'était à l'origine qu'une partie d'un projet plus important, intégré à la ceinture verte qui devait prendre place sur la zone libérée. L'architecte urbaniste Eugène Hénard proposera d'y établir un boulevard à redans, l'urbaniste et paysagiste Jean-Claude-Nicolas Forestier une série de parcs, et Louis Dausset une ceinture continue d'espaces verts hygiéniques. Mais la ceinture verte ne voit jamais le jour, le parc de la Butte du Chapeau-Rouge en est une des rares réalisations.
Le parc peu après sa construction © DR
Le parc se caractérise par des aménagements paysagers structurés. La mise en scène exploite la topographie du site pour dégager des perspectives sur le paysage. Les escaliers, terrasses, belvédères, murets, fontaines, viennent sculpter la pente. Les portails d'entrée, kiosques, abris, fontaines, édicules, sculptures ponctuent cette structure et sont souvent monumentaux. La fontaine cascade en bas de la grande pelouse est surmontée d'une sculpture de femme nue de Raymond Couvègnes, cette œuvre ornait initialement une des portes de l'exposition universelle de 1937. L'ensemble de ces éléments fait appel aux matériaux en vogue à l'époque : briques, enduits gravillonnés, pavés de verre, parements de meulières et béton armé.
Portraits de paysages © Jean-Yves Collet
La scénographie est enrichie par des grandes pelouses, des massifs plantés et de nombreux arbres remarquables : un mûrier à papier, un orme de Sibérie, un tulipier de Virginie, un séquoia géant et plusieurs féviers d'Amérique.
Butte Beauregard : la place Rhin-et-Danube
© CAUE de Paris
L'empreinte des carrières
La place du Danube, créée en 1875, est au XIXᵉ siècle un marché aux chevaux et au fourrage, implanté sur les friches des anciennes carrières. Ces terrains réputés fragiles sont aménagés très progressivement notamment en petits lotissements.
La place du Danube est rebaptisée Rhin-et-Danube en 1951, pour célébrer le souvenir de la première armée française, qui a participé à la Campagne d’Italie puis a combattu sur le Rhin et le Danube au cours de la Seconde Guerre mondiale. Elle héberge l’ancien hôpital Hérold devenu lycée Diderot depuis la fin des années 80. Sur la place, un immeuble de 1925 surélevé de cinq niveaux en 1933, comporte un traitement Art déco au niveau de la toiture. Au centre de la place se dresse une statue de Léon Deschamps représentant « La Moissonneuse ».
Une station de métro particulière
La station de métro Danube est située sur la ligne 7bis. Cette station est étonnante pour plusieurs raisons :
- Sa structure : la fragilité des sols a contraint les ingénieurs à imaginer un système de viaduc souterrain soutenu par des piliers de 35 mètres de hauteur reposant sur du sol ferme. Le tout est entouré de grottes et d’excavations des anciennes carrières.
Photo de la maquette de la station Danube de la ligne 7bis du métro ©
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Son architecture : pour la consolider au mieux, elle est établie en deux demi-stations à voûte en plein cintre, séparées par un piédroit central renforcé. Elle comporte deux voûtes parallèles et deux quais dont les passages de communication sont désormais murés ou fermés par des grilles. Une partie du tunnel adjacent est également réalisée grâce à cette même technique qui assure, encore aujourd’hui, une grande stabilité à l’ensemble face à d’éventuels mouvements des terrains environnants.
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Son organisation : un seul de ses deux quais est utilisé compte tenu de l’exploitation en boucle de ce tronçon. En effet, la ligne circule en boucle fermée dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Elle dessert les stations Place des Fêtes, Pré-Saint-Gervais et Danube, avant de revenir à nouveau à la station Botzaris et de repartir en direction de Louis-Blanc. Le second quai est bordé par une voie de garage.
Butte Beauregard : la Mouzaïa
© CAUE de Paris
La Butte Beauregard
Ce quartier hérite de ce joli patronyme en raison des points de vue réputés qu’on pouvait y observer au XVIIIᵉ siècle. À son sommet, la rue de Bellevue était couronnée de moulins, et la pente était occupée par les carrières d'Amérique. Aujourd'hui, la Butte Beauregard est connue sous le nom de quartier de la Mouzaïa.
Constituant l’un des plus beaux ensembles de lotissements de Paris, la Mouzaïa est une succession de villas entre la place Rhin-et-Danube et la place des Fêtes. À partir de 1899, l'architecte et promoteur Paul-Casimir Fouquiau profite de la loi Siegfried instituant les HBM (Habitations à Bon Marché) pour créer une société immobilière qui bénéficie de prêts publics pour la construction de « logements ouvriers ». Au niveau des anciennes carrières souterraines, seuls des bâtiments légers peuvent être construit, surtout des maisonnettes en pierres, briques et meulières.
© CAUE de Paris
Les villas se développent autour des rues de la Liberté, de la Fraternité et de l’Égalité. Elles sont percées en 1889, à l’occasion du centenaire de la Révolution. En remontant la rue de la Fraternité, se trouve le hangar en bois de l'association de charité "La bouchée de pain", qui témoigne de l'histoire populaire du quartier.
© CAUE de Paris
Villa de Bellevue, Villa Sadi-Carnot, Villa Félix-Faure, Villa du Progrès, Villa de Lorraine, Villa Fontenay, Villa Marceau, Villa Manin… la construction des villas est autorisée selon des règles strictes. Elles ne sont composées que d’un étage, elles n'ont pas de cave et le rehaussement des toits est interdit.
Portraits de paysages © Jean-Yves Collet
La plupart des rues sont végétalisées, les jardinets plantés d'arbres fruitiers, de lilas et de plantes grimpantes fleuries qui renforcent le charme du quartier.
© CAUE de Paris
Butte Beauregard : la Mouzaïa - suite
Motifs architecturaux
Certaines villas présentent leurs propres particularités :
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La villa de Bellevue avec ses 30 « maisons ouvrières ». Les façades sont en brique et la toiture à 2 pentes. Les maisons sont construites sur un même modèle : à l’avant une courette, au rez-de-chaussée une porte d’entrée et une fenêtre, à l’étage une ou deux fenêtres. Les parcelles sont très petites et la distance avec les maisons donnant sur la villa voisine est étroite. Un appentis est souvent construit à l'arrière. Les plantations dans le jardinet le long du passage sont donc essentielles pour éviter les vis-à-vis.
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Le hameau du Danube est un lotissement construit entre 1923 et 1924. Réalisé par les architectes Georges Albenque et Eugène Gonnot, ce hameau est constitué de 28 maisons construites autour de voies formant une boucle. Le hameau se signale sur la rue du général Brunet par deux pavillons symétriques très pittoresques avec leur balcon en quart de cercle. L'accès est sécurisé par un digicode, ce qui n'empêche pas d'apercevoir les façades de meulières, d’enduit et leurs décors en briques.
© CAUE de Paris
En remontant les allées fleuries de la Mouzaïa, les immeubles et les tours de la place des Fêtes se profilent.
Portraits de paysages © Jean-Yves Collet
© CAUE de Paris
Butte Beauregard : la place des Fêtes - Histoire
© CAUE de Paris
Une place de village
En 1836, la place dite « de la Fête » est créée dans le but d’accueillir les manifestations publiques, les fêtes de Belleville. En 1835, la commune acquiert des terrains de l’Assistance publique le long de l’ancienne route du Pré-Saint-Gervais à quelques centaines de mètres de l’ancienne église. Au sommet des collines de l'est parisien, cette place était bordée d’une quadruple rangée de tilleuls taillés en berceau et par quelques bâtiments bas. Ses alentours étaient encore constitués de terrains horticoles et de vignobles.
Plan Lefèvre, 1855-1861 © École d'architecture de Versailles
La place est située sur le parcours des eaux de Belleville et renferme dans ses sous-sols une importante réserve d'eau : la source de la Tillaye qui existe toujours. Le regard de la Lanterne datant du XVIᵉ siècle, permet d'y accéder encore aujourd'hui, il est situé dans le jardin à l'angle des rues Compans et Augustin Thierry.
Butte Beauregard : la place des Fêtes - suite
Une place de projets
La place de la Fête connaît en 1861 une première transformation. Afin d’intégrer les faubourgs récemment annexés à Paris, les services de la préfecture y installent un réseau d’équipements : marchés couverts, écoles et jardins. Au milieu de cette place, est aménagé un square sur un dessin à l'anglaise avec un kiosque à musique et du petit mobilier. L'actuel square Monseigneur-Maillet est donc assez proche des limites originelles de la place.
Place des Fêtes, promeneurs, kiosque à musique entre 1890 et 1920 © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Ouverte en 1911 au prix de difficultés techniques, la ligne 7bis contribue à définir la géométrie de la place. Un édicule de style Art nouveau est construit pour abriter la bouche de métro. Il est remplacé par l'édifice actuel de style Art déco, à l'ouverture de la ligne 11 en 1935.
Dans les années 1960, la totalité des bâtiments autour de la place est rasée. Seuls sont conservés les immeubles faisant l'angle avec la rue des Solitaires et ceux de la rue Petitot. L'ancienne rue de Beaune est quant à elle supprimée.
Barres d'immeubles de la rue de Belleville, F.X. Bouchart, entre 1968 et 1975 © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Au début des années 1970, la place est totalement transformée avec la construction des tours d’habitation, d’une dalle commerciale à leur pied et la création d'un parc de stationnement souterrain. Ce projet a provoqué le départ de presque 6 500 habitants, parmi lesquels seulement 200 sont revenus habiter sur place.
Plan de Masse de J.Peccoux architecte, 1970 © Permis de Construire des Archives de Paris
Elle est réaménagée au milieu des années 1990 par l'architecte Bernard Huet, puis en 2019. À cette occasion, de nouvelles surfaces plantées sont créées, le mobilier renouvelé, la pyramide démontée et la sortie de secours du parking est intégrée à un nouveau bâtiment nommé le Capla pour « cabanon de la place des Fêtes ». Espace partagé et ouvert, il facilite les rencontres et les animations. Le Capla accompagne les initiatives et événements portés par les associations et par la mairie : jeux, loisirs, culture, sport, santé…
© CAUE de Paris
© CAUE de Paris
Portraits de paysages © Gorynin Nikita
Le plateau : le pont de la rue Arthur-Rozier
Depuis le pont
La rue Arthur-Rozier croise la rue de Crimée et la villa Albert-Robida. Elle présente la particularité de passer en son centre sur un pont qui surplombe la rue de Crimée. Cette séquence est remarquable pour le point de vue qu'elle offre sur le paysage parisien grâce à la perspective de la rue de Crimée avec une ouverture sur l'horizon côté aval et un cadrage sur la place des Fêtes côté amont.
Vers le parc et au-delà © CAUE de Paris
Vers la place des Fêtes © CAUE de Paris
Cette topographie en canyon de la rue de Crimée a fait l'objet d'une belle photo de Willy Ronis immortalisant les deux escaliers en vis-à-vis qui sont en contrebas du pont, rue des Annelets et villa Albert-Robida.
Sur le plateau
© CAUE de Paris
En continuant la rue Arthur-Rozier, se trouve le quartier du plateau, situé sur un terrain relativement plat entre le parc des Buttes-Chaumont et Belleville. Moins touché par l'exploitation des carrières, ce quartier s'est urbanisé plus rapidement d'ateliers et de modestes maisons, dont il reste de nombreuses arrière-cours plantées ou des ateliers réhabilités en maisons d'habitation.
© CAUE de Paris
Le plateau : la rue de la Villette
Rue des solitaires : contraste d'échelle entre le plateau et la place des Fêtes © CAUE de Paris
Le quartier du plateau a d’abord accueilli de modestes bâtiments érigés sur d’anciennes parcelles agricoles, ainsi que des venelles, dont certaines sont encore visibles aujourd’hui (la villa de l’Adour et le passage du Plateau). Au début du XXᵉ siècle, le quartier vidé de ses anciens moulins, se couvre d’ateliers, d’industries et de petits immeubles.
Le plateau, un quartier de cinéma
L'histoire du quartier est marqué par le cinéma et les studios Gaumont. La femme de Léon Gaumont ayant hérité d'une maison au n°55 rue de la Villette, il y installe à partir de 1897 des studios de cinéma.
L' hôtel particulier du n°55 rue de la Villette © CAUE de Paris
D'abord modestes, les studios prennent une ampleur considérable et demeurent, avec leurs 9 plateaux de tournage, les plus grands studios de cinéma du monde jusqu’au début de la Première Guerre mondiale. À leur apogée en 1920, ils occupent l'îlot entre les rues de la Villette, Carducci et des Alouettes : c'est la Cité Elgé, nom basé sur les initiales de Léon Gaumont.
La Cité Elgé vers 1915 © Domaine public
Lumière sur une pionnière
Une des figures marquantes de l'histoire de Gaumont et du cinéma est Alice Guy, pionnière du cinéma parlant, tombée dans l'oubli, tardivement reconnue.
Ancienne secrétaire de Léon Gaumont, elle se passionne pour le cinéma et tourne les tout premiers films de fiction connus, notamment La Fée aux choux, en 1896 sur une terrasse désaffectée des studios. Elle est la première réalisatrice de films de fiction de l’histoire du cinéma. Elle devient la directrice de production des studios Gaumont, et réalisatrice jusqu’à son départ pour les États-Unis en 1907. Elle y ouvre sa propre société de production et ses studios. Un documentaire, Be Natural, lui a été consacré en 2019.
🎧 Si l'histoire d'Alice Guy vous intéresse, écoutez ces podcasts : pour les enfants et pour les adultes.
Le plateau : la rue de la Villette - suite
La télévision prend le relais
Le parc des Buttes-Chaumont et la S.F.P. (Société française de production, Roger Henrard photographe © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Les studios Gaumont, rachetés par la Radiodiffusion Télévision Française en 1951, sont détruits par un incendie en 1953. Ils sont partiellement reconstruits et complétés d’une tour de communication pour constituer les studios de l'ORTF des Buttes Chaumont. De nombreuses émissions de la RTF puis de l'ORTF sont tournées dans ces studios.
La plupart des industries et des ateliers disparaissent du plateau dans les années 1960. Les studios ferment en 1993, ils sont vendus en 1994 au groupe de BTP Bouygues et détruits en 1996 afin d'ériger sur ce terrain des immeubles résidentiels.
Cours du 7ᵉ art © CAUE de Paris
Aujourd'hui, il ne reste plus rien, ni de la Cité Elgé, ni des studios de l'ORTF. Le seul indice visible de ce passé est la voie piétonne est-ouest renommée Cours du 7ᵉ art, et un ancien bâtiment commercial situé aux n°35-37 rue du Plateau. Celui-ci construit en 1922-1923 par l'architecte Auguste Bahrmann, conserve encore dans sa décoration intérieure les initiales “L.G.” ainsi que la marguerite, emblème de l'entreprise. Ce bâtiment est très représentatif de l'architecture industrielle et commerciale des années 1920, mêlant des influences néoclassiques et Art déco.
Buttes Chaumont : rue Botzaris
© CAUE de Paris
Un balcon sur les Buttes Chaumont
La rue Botzaris longe le bord du plateau et forme un balcon sur les Buttes Chaumont, en particulier entre le n°48 et le n°56 où la grille du parc a été transformée en garde-corps, et offre une vue magnifique sur Paris. Autrefois, une partie de la rue longeait un réservoir édifié en 1887, point de départ du circuit de l'eau du parc des Buttes Chaumont.
Le quartier est bouleversé par la création du parc de 1864 à 1867. Le projet prévoit une scénographie hydraulique avec des cascades, des ruisseaux et un lac qui seront alimentés par ce réservoir composé de deux bassins de 8800 m³ d'eau non potable pompée dans le bassin de la Villette par de puissantes machines à vapeur situées près du pont de Flandres. Le réservoir des Buttes Chaumont est progressivement abandonné, puis détruit dans les années 1990 et remplacé par des immeubles d'habitation.
La première cascade du parc © CAUE de Paris
Ruisseau du parc © CAUE de Paris
La biscuiterie
Jusque dans les années 1970, avant la construction d’immeubles de logements, la biscuiterie Phydor donne sur la rue Botzaris. Au fil des années, l’emprise de l’usine, originellement située entre le passage du Plateau et la rue de Hassard, est réduite. L’usine perdure cependant jusqu’en 2014. Les anciens bureaux Phydor deviennent ensuite des lofts et de nouveaux logements sont construits.
Rue Botzaris 1950
Parc des Buttes Chaumont : histoire
© CAUE de Paris
Inauguré en 1867, le parc des Buttes Chaumont est l’un des plus vastes espaces verts de Paris, soit 25 hectares.
Napoléon III et le Baron Haussmann chargent l'ingénieur Adolphe Alphand de son aménagement. Il s'entoure d'une équipe expérimentée qui va réaliser le projet entre 1864 et 1867 : le jardinier en chef Jean-Pierre Barillet-Deschamps assisté du paysagiste Edouard André, l'ingénieur des ponts et chaussées Jean Darcel, l'architecte Gabriel Davioud et l'hydraulicien Eugène Belgrand.
Ce parc, comme le parc Montsouris et le parc Monceau, fait partie d'un réseau de parcs créé pour aérer et assainir Paris. Ces parcs sont de taille intermédiaire entre squares et bois (Vincennes et Boulogne).
Plan du parc dans "Les promenades de Paris" par A. Alphand auteur, E. Hochereau illustrateur, J. Rothschild éditeur, 1867-1873 © Archives de Paris
Une géographie artificielle liée aux carrières
Entièrement artificiel, le site présentait l’aspect d’un paysage lunaire avant son aménagement. Construit sur d’anciennes carrières de gypse, il s’est en effet élevé sur une terre creuse, infertile et aride. Le chantier de terrassement du parc est titanesque, plus de 200 000 m³ de terre végétale sont rapportés et un million de m³ de terre et de roche est déplacé pour modeler les dénivelés importants du terrain existant.
Le dénivelé et le vallonnement marqués du parc s’appuient en partie sur la topographie des carrières à ciel ouvert pré-existantes, permettant aux usagers de profiter de promenades étagées avec de belles perspectives sur la capitale, notamment le quartier de Montmartre.
Le parc des Buttes Chaumont en construction, 1865 © Charles Marville / BHVP
Du rebord du plateau et de la terrasse jaillit de l’eau qui va se précipiter dans un ravin, sous un pont de rochers, pour créer la cascade de 32 mètres de hauteur de la grotte artificielle et se jeter dans le lac de deux hectares en partie basse du parc. Deux autres ruisseaux dévalant les pentes du parc, un à l’ouest, l’autre à l’est, viennent alimenter ce lac.
Panorama du parc des Buttes Chaumont en 1867, photographe anonyme © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
En surplomb du lac, l’île du Belvédère, escarpée, s’élève à une trentaine de mètres de haut. Destinée à renforcer l’impression de voyage et de dépaysement chez celui qui la contemple, sa falaise reprend les stries singulières marquant les strates de roche des falaises d’Étretat. À son sommet, un kiosque dit “Temple de la Sybille” (dont le jumeau se trouve sur l’île de Reuilly, dans le bois de Vincennes) est inspiré du temple de Vesta de Tivoli. Il enrichit le vocabulaire faussement antique (ou néoclassique) du parc. Pour y accéder, les promeneurs peuvent emprunter la grande passerelle suspendue signée Gustave Eiffel ou bien un pont en pierres maçonnées.
Vue générale du parc des Buttes Chaumont, photographe anonyme © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Parc des Buttes Chaumont : aujourd'hui
Toute la partie centrale du parc, qui abrite notamment le temple de Sibylle, est rénovée jusqu'en 2026. Un chantier rendu nécessaire par la fragilité des infrastructures édifiées sur les anciennes carrières. Le projet prévoit des travaux sur la rivière Manin, le curage du lac, la poursuite des études pour identifier les zones fragilisées à rénover, des travaux sur l’île et la falaise.
Dans une inspiration de jardin foisonnant à l’anglaise, le parc présente des ambiances variées de clairières et de prairies alpines très ouvertes, de falaises atlantiques, de pinèdes méditerranéennes et de boisements denses et plus intimes. Il donne à voir de multiples espèces végétales, exotiques ou indigènes.
©CAUE de Paris
Un sophora du Japon est planté en 1875, ses branches tordues penchent vers le lac. Parmi les autres arbres remarquables du parc, on observe un platane d’Orient de 6,3 mètres de circonférence, un févier d’Amérique, un séquoia géant, un noisetier de Byzance, deux ginkgos bilobas, un orme de Sibérie, deux marronniers d'Inde et un cèdre du Liban proche de la station de métro Buttes Chaumont.
Marronnier d'Inde © CAUE de Paris
Côté faune, le parc regorge d’espèces d’oiseaux, notamment aquatiques. Il abrite aussi des écureuils, des hérissons et des chauve-souris.
Le séquoia géant déjà présent lors de l'inauguration du parc © CAUE de Paris
Le parc compte six portes principales, toutes flanquées d’un pavillon de garde dessiné par l’architecte Gabriel Davioud et reprenant une esthétique industrielle (motifs en brique, céramique colorée). Trois chalets restaurants issus d’un imaginaire alpin, d'inspiration suisse et nord italienne, hébergeant des restaurants.
© CAUE de Paris
L’ensemble du parc présente également des éléments caractéristiques de deux techniques décoratives de la fin du XIXᵉ siècle : le rusticage pour les rambardes (mélange de ciment et béton imitant des rondins de bois) et le rocaillage pour les rochers et les grottes.
Butte Bergeyre
© CAUE de Paris
Micro-quartier à l’ouest du parc des Buttes Chaumont, la butte Bergeyre est une enclave résidentielle perchée au sommet d’un triangle formé par l’avenue Mathurin-Moreau au nord, la rue Manin à l’est et l’avenue Simon-Bolivar au sud. Dominant le paysage parisien, son plateau culmine à près d’une centaine de mètres d’altitude et offre une vue incroyable sur la ville. Rassemblant une collection d’architectures hétéroclites de style Art déco, ce village de 1200 habitants ne s’est développé qu’à partir du début du XXᵉ siècle.
Histoire de la Butte Bergeyre
Au XVIIᵉ siècle, seuls quelques moulins à vent occupent les pentes de la Butte Chaumont, qui est également exploitée pour extraire le gypse. Le développement des carrières creuse des galeries souterraines dans tout le plateau et entraîne des effondrements de terrains et la démolition des moulins dès la fin du XVIIIᵉ. Dans le cadre des grands travaux d'embellissement menés par le baron Haussmann, l’ingénieur Adolphe Alphand et l’architecte paysagiste Pierre Barillet-Deschamps découpent la colline en deux buttes :
- à l’est, le parc des Buttes Chaumont est aménagé entre 1863 et 1867.
- à l’ouest une butte orpheline demeure, isolée du reste du relief des Buttes Chaumont par le percement de la rue Manin. Confortée par les déblais issus des travaux de voirie, la Butte Bergeyre est ensuite abandonnée pendant près d’une vingtaine d’années. Elle est utilisée comme pâturage.
De 1888 à 1891, la butte accueille le « Diorama des Buttes Chaumont », un musée à ciel ouvert commémorant le centenaire de la Révolution qui expose toiles, objets et souvenirs révolutionnaires. En 1905, le baron Adolphe de Rothschild entreprend l’urbanisation du site en construisant, en contrebas de la butte, la fondation ophtalmologique qui porte son nom.
Vers 1908, le versant opposé de la butte, côté avenue Simon-Bolivar, voit arriver un parc d'attraction, les « Folles Buttes » exploité par la Société d’exploitation d’attractions parisienne. Le lieu accueille une foule de divertissements : manèges, salles de spectacle, restaurants, bals populaires et cinéma de plein air.
En 1914, on projette de faire du sommet de la butte qui n'est encore qu'un terrain vague, un grand terrain de sport pour les besoins du Sporting Club Vaugirard, dont l’armée a réquisitionné le lieu d'entraînement. Le stade Robert-Bergeyre, du nom d’un jeune joueur de rugby mort au combat, est inauguré en août 1918. Dès lors, de multiples manifestations sportives y prennent place. Trop onéreux à entretenir, le stade est démoli en 1925. Si l’infrastructure est déposée, l’appellation de Bergeyre perdure pour identifier la butte (même si ce nom n'apparaît sur aucun cadastre ni document officiel).
Le terrain est alors revendu à un entrepreneur montreuillois, Charles Pélissier, qui découpe le sommet de la butte en 220 lots de 100 à 1500 m². Maisons de ville, immeubles mitoyens et coquets pavillons en brique, pierre meulière ou béton, sont disposés le long de quatre rues pavées. Le lotissement est inauguré en 1927 et la butte prend alors la forme urbaine qu’elle a toujours.
Butte Bergeyre - suite
La butte Bergeyre aujourd'hui
© CAUE de Paris
Vous pouvez accéder à la Butte Bergeyre par deux escaliers qui passent sous les immeubles de la rue Manin et de la rue Simon-Bolivar, ou en remontant la sinueuse rue Georges-Lardennois. Le charme de cette butte tient à son caractère confidentiel et hors de la ville. Ici aussi, le sous-sol fragile a contraint la hauteur des constructions, de petits immeubles et maisons de villes sont édifiés.
À l'ouest de la butte, au carrefour des rues Georges-Lardennois et Rémy-de-Gourmont, le regard s'ouvre sur Paris et le Sacré Cœur. Un charmant jardin partagé est ouvert à la visite, à côté des vignes et d'un rucher.
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Portraits de paysages © Michel Iselin
Et enfin, profitez du calme en vous reposant sur le banc qui offre l'une des plus belles vues de Paris !
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Activités annexes
Accéder au au parcours
Tramway
Hôpital Robert-Debré (ligne T3b)
Bus
Lycée Diderot (ligne 75)
Métro
Pré-Saint-Gervais (ligne 7bis)
Danube (ligne 7bis)