Le château miroir, une ode aux paysages
Bussy-Saint-Martin
Parc culturel de Rentilly Michel Chartier
Notre territoire abonde d’anciens domaines, constitués de chateaux ou belles demeures bourgeoises, de parcs et jardins, de bois et de terres agricoles, souvent engloutis par la ville. Au fil de cette balade paysagère et architecturale, découvrez cinq siècles de transformations et d’engagements qui enrichiront votre perception de ce site préservé. Une occasion d’évoquer l’histoire industrielle du département comme d'admirer les arbres, de parler de paysage comme d’architecture, et de profiter encore davantage de cette visite.
Aperçu du parcours
Les communs du château
© Martin Argyroglo
La modernité en marche
La cour des communs est une des entrées historiques du domaine. Derrière ces différentes façades se raconte un pan de l’histoire d’une famille, d’un lieu, et de l’industrialisation du département.
La cour et les annexes du château
Les annexes sont construites au XIXe siècle, pour accueillir les écuries et les calèches initialement abritées dans les ailes du château. Le pavillon Carcat, de style néo normand, marque l’entrée.
Le pavillon Carcat ©CAUE77
Gaston Menier, le propriétaire des lieux, l’a fait construire en 1910 en clin d'œil à sa villa perdue d’Houlgat, remodelée en 1892 par les successeurs du créateur de ce style régionaliste, l’architecte J. Baumier.
Gaston Menier
Héritier d’une dynastie pharmaceutique et chocolatière (3ème génération), il achète le domaine en 1891.
L’usine Menier à Noisiel. © D.R
Veuf dès 1892, l’industriel est déjà implanté dans le territoire comme homme politique et propriétaire de nombreux domaines et de fermes telle la Ferme du Buisson. Il poursuit ses acquisitions de terres agricoles pour assurer la production du lait nécessaire à son usine de chocolat implantée à moins de 5 km, dans la commune de Noisiel. Afin de continuer à développer son patrimoine et nourrir la cité ouvrière, il fera implanter une ligne de chemin de fer privée pour son industrie.
Les travaux de modernisation de Gaston Menier
Le château acheté à Édouard André, son adversaire politique, est vaste et de grand luxe.
Gaston Menier va y apporter l’électricité et le téléphone. Dans les communs, qui accueillent dorénavant les premières voitures à vapeur de la famille, il réalise des travaux de modernisation et de transformations non sans lien avec l’usine de Noisiel. Les bains turcs avec leur système de chauffage et la charpente Eiffel restent les principales traces de la révolution technique et industrielle en cours, mais aussi de la mode pour l’orientalisme, très en vogue tout au long du XIXe siècle.
Le déclin
Le château brûle en 1944, les serres disparaissent, et l’Orangerie n’a plus de toit.
© D.R
Le château de style Louis XIII détruit, une des ailes des communs devient, le temps des travaux, le « petit château » de Jacques Menier qui vit alors une dernière tragédie, en plein déclin de l’empire dont il a hérité. Mort en 1953, il ne profitera pas de la demeure bourgeoise, construite en 1954. Les communs accueillent aujourd’hui le siège de la Communauté d’Agglomération de Marne et Gondoire, une salle de spectacle, et depuis septembre 2022, le centre de ressources documentaires.
© Yann Piriou
La construction des années 1950 n’est pas une reconstruction ; elle est bien loin des dimensions, du faste, et du confort du château de style Louis XIII. Elle n’est plus un château. Déconnectée de son temps, cette bâtisse ne fait pas sens, elle n'est pas représentative de la mémoire du lieu et d'une architecture lui correspondant.
La façade de la demeure bourgeoise, inspirée du classicisme, s’articule autour d’un axe de symétrie et reprend un élément d’architecture hérité du château italien, le fronton. Une cheminée vient casser l'ordonnancement de la façade. Le fonctionnement et l'agencement interne du bâtiment a lui même peu d'intérêt architectural et patrimonial. Les combles dédiés au personnel ne bénéficient pas de jour, un élément de conception qui met en avant le manque de considération du concepteur vis-à-vis des besoins du bâtiment et de ceux qui l'habitent.
Les communs du château
© Martin Argyroglo
La modernité en marche
La cour des communs est une des entrées historiques du domaine. Derrière ces différentes façades se raconte un pan de l’histoire d’une famille, d’un lieu, et de l’industrialisation du département.
La cour et les annexes du château
Les annexes sont construites au XIXe siècle, pour accueillir les écuries et les calèches initialement abritées dans les ailes du château. Le pavillon Carcat, de style néo normand, marque l’entrée.
Le pavillon Carcat ©CAUE77
Gaston Menier, le propriétaire des lieux, l’a fait construire en 1910 en clin d'œil à sa villa perdue d’Houlgat, remodelée en 1892 par les successeurs du créateur de ce style régionaliste, l’architecte J. Baumier.
Gaston Menier
Héritier d’une dynastie pharmaceutique et chocolatière (3ème génération), il achète le domaine en 1891.
L’usine Menier à Noisiel. © D.R
Veuf dès 1892, l’industriel est déjà implanté dans le territoire comme homme politique et propriétaire de nombreux domaines et de fermes telle la Ferme du Buisson. Il poursuit ses acquisitions de terres agricoles pour assurer la production du lait nécessaire à son usine de chocolat implantée à moins de 5 km, dans la commune de Noisiel. Afin de continuer à développer son patrimoine et nourrir la cité ouvrière, il fera implanter une ligne de chemin de fer privée pour son industrie.
Les travaux de modernisation de Gaston Menier
Le château acheté à Édouard André, son adversaire politique, est vaste et de grand luxe.
Gaston Menier va y apporter l’électricité et le téléphone. Dans les communs, qui accueillent dorénavant les premières voitures à vapeur de la famille, il réalise des travaux de modernisation et de transformations non sans lien avec l’usine de Noisiel. Les bains turcs avec leur système de chauffage et la charpente Eiffel restent les principales traces de la révolution technique et industrielle en cours, mais aussi de la mode pour l’orientalisme, très en vogue tout au long du XIXe siècle.
Le déclin
Le château brûle en 1944, les serres disparaissent, et l’Orangerie n’a plus de toit.
© D.R
Le château de style Louis XIII détruit, une des ailes des communs devient, le temps des travaux, le « petit château » de Jacques Menier qui vit alors une dernière tragédie, en plein déclin de l’empire dont il a hérité. Mort en 1953, il ne profitera pas de la demeure bourgeoise, construite en 1954. Les communs accueillent aujourd’hui le siège de la Communauté d’Agglomération de Marne et Gondoire, une salle de spectacle, et depuis septembre 2022, le centre de ressources documentaires.
© Yann Piriou
La construction des années 1950 n’est pas une reconstruction ; elle est bien loin des dimensions, du faste, et du confort du château de style Louis XIII. Elle n’est plus un château. Déconnectée de son temps, cette bâtisse ne fait pas sens, elle n'est pas représentative de la mémoire du lieu et d'une architecture lui correspondant.
La façade de la demeure bourgeoise, inspirée du classicisme, s’articule autour d’un axe de symétrie et reprend un élément d’architecture hérité du château italien, le fronton. Une cheminée vient casser l'ordonnancement de la façade. Le fonctionnement et l'agencement interne du bâtiment a lui même peu d'intérêt architectural et patrimonial. Les combles dédiés au personnel ne bénéficient pas de jour, un élément de conception qui met en avant le manque de considération du concepteur vis-à-vis des besoins du bâtiment et de ceux qui l'habitent.
La vallée de la Brosse
Un paysage rural remarquable préservé
La promenade invite ici le regard à se porter vers le nord-est, vers le paysage lointain, au-delà du Parc. Une séquence précieuse proche de l’environnement originel du domaine.
De part et d’autre d’une vallée
La vue est à l’échelle du grand paysage et domine la vallée affirmant l’ancrage du domaine.
Vue vers le paysage lointain, du côteau du vallon de la Brosse, illustrant le cadre paysager du domaine jusqu’aux années 1980. © Martin Argyroglo
Bâtie sur le site d’une chapelle primitive bien antérieure, l’église Saint Martin (Xe-XIIIe siècles) domine la silhouette du village. Inscrite sur la partie haute du côteau du vallon de la Brosse, elle a été classée au titre de monument historique en 1921. Le ru coule dans le creux, invisible. Au loin, vers l’est, se déploient, Guermantes, Bussy-Saint-Georges, Jossigny, Serris, au nord, par-delà la vallée, Saint-Thibault-des-Vignes, Lagny-sur-Marne…
De l’église lointaine à la chapelle sur site
Retournez-vous un instant en direction de la cour des communs et imaginez …
Au début du XIXe siècle, une chapelle dominait peut-être encore la pente. On sait qu’elle est construite en 1697 par la princesse Fürstenberg, qui l’ouvre aux habitants du hameau, car l’église est loin. Elle poursuit ainsi le projet de son aïeul Jean de Ligny, secrétaire du roi Henri IV, à l’origine, de la démolition/reconstruction du premier château un siècle plus tôt. On ignore son emplacement exact sur le domaine, et si elle est encore debout vers 1829.
Un patrimoine naturel, paysager et bâti protégé
L’environnement du domaine évolue peu pendant des siècles. Jusqu’au début des années 1970, rien ne change vraiment.
© IGN 1972
En 1972, le hameau de Rentilly et le domaine sont entourés de champs. Jusqu’au début des années 1980, l’environnement direct du site est proche de ce que la vue lointaine sur le côteau offre comme cadre rural et naturel.
Mais bientôt l’urbanisation s’intensifie. Les vallées de la Brosse et de la Gondoire vont être classées au titre des monuments naturels en 1990. Ce classement va permettre de préserver la qualité du grand paysage et l’écrin dans lequel a été pensé l’implantation primitive du château et le dessin du parc paysager. Ainsi ce qui nous est donné à percevoir ici, par ces vues lointaines, c’est le cadre de vie des habitants du château, du hameau et des villages voisins pendant des siècles.
L’urbanisation du territoire
A partir des années 1970, le territoire autour de Rentilly ne cessera de se construire.
Si le nord-ouest du parc est préservé, les autres flancs du domaine sont transformés par le développement du d’un territoire. Le projet d'aménagement de la Ville Nouvelle de Marne-la-Vallée démarre dès le début des années 1980, avec la mise en service des grandes infrastructures (A104 et RERA) au sud-est et sud du domaine, puis du chantier de la vaste zone pavillonnaire qui longe son flanc nord.
© IGN 2021
L’urbanisation des abords directs commencera à la fin des années 1980 par la construction de la zone pavillonnaire sur Saint-Thibault des Vignes, aux limites nord du domaine. Aujourd’hui, l’ensemble du périmètre immédiat du site est urbanisé à l’exception des zones qui ont fait l’objet de protections.
Le parc paysager
Balade bucolique d’hier et d’aujourd’hui
Nous sommes ici à moins de dix mètres, de l’axe de symétrie du château qui traverse le domaine. C’est l’axe de composition classique du site qui va prédominer jusqu’à la naissance du parc paysager.
Un parc pensé au XIXe siècle
Comme pour l’architecture, l’aménagement des parcs et jardins s’inscrit dans des courants de pensée.
Le parc paysager. © Martin Argyroglo
Avec ses vues ouvertes et lointaines vers le paysage champêtre, ses arbres et ses pentes douces enherbées, les courbes de ses allées, sa forme et son tracé asymétrique, le parc nous plonge au XIXe siècle. Sa conception, inscrite dans le grand paysage, est issue des courants artistiques et philosophiques qui ont traversé l’Europe depuis le XVIIIe siècle, mais aussi des bouleversements techniques, scientifiques et industriels en cours. La botanique comme la peinture transforment les regards sur la nature et le monde rural.
Du parc pensé au parc porté
Henrietta Van der Paadevoort va porter la transformation du parc.
Au début du XIXe siècle, une voie centrale plantée mène encore à la grille d’accès du château à l’italienne achevé en 1780 par le marquis René Thomas.
Après quelques décennies d’abandon liés à la Révolution Française, Isaac Thuret achète le domaine en 1819. Sa femme, Henrietta née van der Paadevoort, transforme le château en un lieu raffiné et luxueux, mais aussi adapté à sa famille. Elle remet au goût du jour les aménagements paysagers dans la première moitié du XIXe siècle.
Naissance du parc paysager
Ici, c’est bien un idéal de belle campagne riante et prospère qui est recherché.
Les aménagements du parc paysager au début du XIXe siècle – Carte française de l’état-major, établie de 1818 à 1824. © IGN
Les accès sont redéfinis et l’allée centrale disparaît. Des allées de promenades sablonneuses sont redessinées. La botanique et les essences exotiques sont à la mode, des arbres d’essences diverses et souvent rares sont plantés, les alignements oubliés. Des pièces d’eau et des pavillons sont créés. Malgré les asymétries, la nature y reste ordonnée, parfaitement contenue. Loin de tout ensauvagement. La silhouette du château, sur son promontoire, reste le point de repère.
Entités paysagères du Parc culturel
Elles sont au nombre de trois aujourd’hui : Le Parc paysager (20 ha), les bois (19 ha) et la perspective à la française (9 ha).
Jardin d’agrément devant l’Orangerie avec ses grandes serres latérales – Anonyme. © RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
Les carrés de pelouse qui font face à l’Orangerie comme ceux de buis derrière les communs sont les traces d’une quatrième entité : chaque château possédait en effet un espace de culture, un jardin vivrier souvent organisé en jardin d’agrément. Ce jardin de roses et de fleurs, de potagers, de serres, de vergers et de murs à vignes et espaliers de fruitiers, situé dans l’axe de l’Orangerie (1 ha), comme celui plus modeste au nord des communs (0,5 ha), a pourtant traversé le XXe siècle pour disparaître dans les années 1980.
Les arbres de Rentilly
Découverte des arbres avec Augustin Bonnardot, arboriste forestier du CAUE 77. Enregistrement audio. ©CAUE77
Une invitation au voyage
Balade bucolique, la promenade dans le parc est un voyage vers des contrées lointaines, par la figure des arbres qui animent le paysage et cadrent imperceptiblement les vues.
Arbres d’ici et d’ailleurs
Couleurs et formes des arbres de Rentilly - À gauche sur l’image, l’incroyable séquoia géant - essence originaire de Californie - qui marcotte. ©CAUE77
Des arbres exotiques - amélanchier du Canada, catalpa de Caroline, cèdre de l’Atlas, érable du Japon, tulipier de Virginie - comme des arbres indigènes - chênes, marronniers, noyers - ponctuent la prairie et les cheminements de leurs couleurs et de leurs formes. Les arbres s’épanouissent sans contrainte, atteignant toute leur majesté. Chaque sujet planté semble avoir été valorisé, mis en scène par les mouvements de sols dits ados.
Arbres à l’honneur, toujours
Dans l’esprit du parc paysager du XIXe siècle, la réhabilitation du parc au début du XXIe siècle entrepris par la Communauté d’Agglomération de Marne et Gondoire et son plan actuel de gestion sont au service de cette mise à l’honneur des arbres, et de la préservation ou du rétablissement des vues lointaines. Elle plante en 2003 850 arbres pour reconstituer le patrimoine arboré endommagé par la tempête de 1999.
©CAUE77
La plantation d’arbre isolé, solitaire, alterne avec celle de bouquets d’arbres.
Arbre remarquable de Seine-et-Marne
Le platane remarquable de Rentilly - Remarquez sur cette photographie l’épaisseur des branches charpentières. ©CAUE77
Ce platane à feuille d’érable d’environ 200 ans s’est ainsi déployé dans toutes les directions : ses branches charpentières se sont renforcées années après années pour supporter l’effort et pour s’étendre horizontalement sans rompre. D’autres se sont soudées avec le temps, cette fusion physique et fonctionnelle ou anastomose est plus fréquente sur le système racinaire. Il a été labellisé Arbre Remarquable de Seine-et-Marne par le CAUE77 et le Département.
À la rencontre des arbres
Saurez-vous identifier les arbres du parc ? Cherchez le séquoia géant qui marcotte, reconnaissable aussi à l’épaisseur de son écorce qui le protège du feu, le catalpa qui se tord ou le cèdre de l'Atlas qui se reflète sur la façade du château. Trouvez le couple de Ginkgo Biloba dit arbres aux quarante écus : Originaire de Chine, il est la plus vieille espèce d'arbre au monde, remarqué pour sa résistance aux radiations, et connu pour ses nombreuses vertus médicinales. Enfin, repérez les hêtres pourpres. Fragilisés, ces derniers sont installés dans un périmètre de sécurité aménagé à leur mesure.
Et lui, saurez-vous le trouver ? ©CAUE77
La route de Guermantes
De la grille d’honneur aux portes de Paris
Il est difficile aujourd’hui d’imaginer le rôle de cet accès dans l’histoire du domaine. N’hésitez pas à franchir la grille pour visualiser le parc de l’espace public.
Un domaine connecté
Si le parc s’ouvre sur un axe peu fréquenté, cette route est bien celle de la capitale.
L’impressionnante grille d’honneur datant de 1865, les groupes classés de sculptures du début du XVIIIe siècle, qui couronnent les piles en briques et pierres, le pavillon Louis XIII de 1891, témoignent de l’importance de cet accès. Ils nous racontent l’histoire d’un domaine connecté à la capitale et aux communes voisines, notamment Noisiel, par la route de Guermantes, autrefois artère majeure du territoire, mais aussi par le chemin de fer. Dès 1850, le domaine est relié à la gare de l’Est via la gare de Lagny, située à moins de 5 kilomètres.
La route de Guermantes. Extrait de la Carte topographique de Paris et de ses environs éditée en 1906. © IGN
La carte permet de visualiser comment le domaine, comme de grandes villes du territoire (Torcy, Noisiel, Champs-sur-Marne, et au-delà Noisy le Grand …) s’articulent autour de cet axe structurant qui mène aux portes de Paris. Il permet par ailleurs d'accéder vers le nord à Saint-Thibault-des-Vignes et à Lagny-sur-Marne et sa gare. On peut remarquer la route sur Saint-Germain-des-Noyers dans l’axe du portail (actuelle “coulée verte”) permettant de rejoindre celle de Lagny-sur-Marne.
Le portail d’un château Louis XIII
La grille, les sculptures, le pavillon sont aussi une nouvelle occasion d’évoquer l’histoire du domaine.
Le château Louis XIII. ©CAUE77
La grille est attribuée à Édouard André, grand amateur d’art et de sculpture. Il poursuit les travaux entrepris par Ernest André, son père. Ce dernier a engagé à partir de 1846 la surélévation et l’extension du château à l’italienne de la famille Thuret. Les façades sont remaniées dans un style Louis XIII. Dans un siècle marqué par le développement de l’architecture de verre en Angleterre comme en France, il fait construire les serres de part et d’autre de l’orangerie et la lumière rentre dans le château par des verrières.
Les pavillons Menier
Gaston Menier fait construire dès 1891 deux pavillons aux portes nord et sud du domaine.
Il fait reprendre un vocabulaire proche des façades du château, respectant la cohérence architecturale mise en œuvre par les André. Son fils Jacques, qui cache ses blessures de guerre, initiera le repli du domaine. Le fossé sec, dit saut de loups, qui longe la route, est abandonné au profit de haies plantées. Il est remis en état au XXIe siècle pour marquer, comme par le passé, les limites du domaine, tout en laissant le regard filer vers le paysage champêtre. Le parc est aussi donné à voir.
Le pavillon de la grille d’honneur route de Guermantes, au nord du parc. ©CAUE77
Le fossé au pied du mur de soutien des balustres, visible en premier plan de cette photo, se transforme peu à peu en saut de loups. Le dispositif permettait de marquer la limite du domaine, sans construire de murs ou planter des lisières, et profiter ainsi de vues vers le paysage. Le domaine est alors parfaitement intégré dans le paysage et donné à voir, au lieu de s’exclure. Les alignements plantés en bordure de la route participent à la préservation de la qualité paysagère du parc.
Des champs aux pavillons
A la fin des années 1980, cet environnement rural est bouleversé. La construction d’une zone pavillonnaire démarre de l'autre côté de la route sur Saint-Thibault-des-Vignes.
Pré verdissement de la trame verte de la Ville Nouvelle à Saint-Thibault-des-Vignes : la Résidence "Lake Wood" longée par la Promenade du Château, permet la liaison avec le Parc de Rentilly à Bussy-Saint-Martin. On distingue parfaitement au loin, de part et d'autre du château, les travaux d'urbanisation du domaine alors en cours. © EpaMarne / Eric Morency
Sur les prescriptions des services de l’État et dans le cadre de la stratégie de pré verdissement de la trame verte de la Ville Nouvelle de Marne-la-Vallée, le dessin de la place plantée en arc est préservé. Un grand mail est aménagé et planté dans l’axe de la grille d’honneur, préservant une perspective et la qualité du cadre paysager du parc.
Le grand mail vers l’étang de la Loy, traversant la zone pavillonnaire. Un aménagement prescrit par les services de l’Etat, dans le cadre de la stratégie de pré verdissement porté par l’établissement public d’aménagement de Marne-la-Vallée. ©CAUE77
Le château évanescent
Découverte de la genèse du projet avec Elisabeth Lemercier et Xavier Veilhan. Enregistrement audio. ©CAUE77
©Martin Argyroglo
Ode à la nature
À l’instar de ce chemin paisible qui invite à découvrir et admirer le parc et ses arbres, le château miroir magnifie les arbres, le ciel, les nuages.
Au pied des deux pins corses
Sur le chemin du château, deux silhouettes « hautes perchées » regardent au loin.
Élisabeth Lemercier et Philippe Bona, architectes au pied des pins, regardant vers l’avenir, “Au panthéon des grands architectes”. Xavier Veilhan 2009 ©CAUE77
Ces sculptures sont réalisées pour l’exposition « le panthéon des grands architectes », à Versailles en 2009, par l’artiste plasticien Xavier Veilhan. Les architectes Élisabeth Lemercier et Philippe Bona, architectes, représentés ici, semblent veiller sur l'horizon et regarder vers l’avenir.
Élisabeth Lemercier et Philippe Bona, architectes au pied des pins, regardant vers l’avenir, “Au panthéon des grands architectes”. Xavier Veilhan 2009 ©CAUE77
Dans cet espace ouvert, les pins semblent être leurs gardiens. Leur présence qui illustre l’ouverture du Parc à l’art contemporain est aussi un clin d'œil. Ils sont en effet avec l’artiste et le scénographe Alexis Bertrand, les coauteurs de la métamorphose du château.
Le château miroir
Au pied de l’immense cèdre de l’Atlas, on admire l’incroyable façade-miroir du château.
Le château miroir. © Martin Argyroglo
La magie de cette seconde peau en acier inox poli opère instantanément. Ses plis Sa peau plissée diffractent toutes les séquences paysagères qui l’entourent comme pour dissoudre l’édifice et proposer une immersion totale dans le paysage. Le château disparaît au profit d’un paysage transfiguré et démultiplié. Sur ce promontoire, il s’efface pour rendre au paysage la première place, à l’inverse des châteaux qui se sont succédés et qui le dominaient.
Célébrer la nature
Fruit d’une collaboration entre l’artiste Xavier Veilhan, le scénographe Alexis Bertrand et les architectes Élisabeth Lemercier et Philippe Bona, la proposition artistique et architecturale est une célébration de la nature environnante, belle et poétique.
Une proposition architecturale et artistique. ©CAUE77
Dans les bois, à la croisée des chemins
©Martin Argyroglo
Les années 1990, la décennie de tous les dangers
Après quelques années d’abandon, un vaste chantier est en cours il y a trente ans, ici même, dans ces bois.
De la vente de Noisiel à celle de Rentilly
L’empire industriel Menier décline rapidement au début du XXe siècle et l’usine de Noisiel est vendue.
Les 1 500 ha de surfaces agricoles acquises par les générations de Menier sont cédés en 1965. Cette opportunité foncière va faciliter la constitution de la Ville Nouvelle de Marne-la-Vallée (1971) prévue dans le schéma directeur d’urbanisation de la région parisienne. Lorsque les Menier se séparent en 1987 de Rentilly, l’établissement public d’aménagement de la Marne-la-Vallée, EpaMarne, qui porte le projet de ville nouvelle, y voit l’opportunité d’y développer un ensemble immobilier tertiaire de 77 000 m2 comprenant bureaux, hôtels haut de gamme etc. Les constructions démarrent rapidement.
Terrassements et fondations du parc d’affaires en 1992. © IGN
Deux visions en confrontation
EpaMarne a pour ambition de développer et aménager ce site.
En 1988, une promesse de vente est signée avec la société d’aménagement du parc de Rentilly. Toutefois, les riverains déposent un recours contre la société chargée de réaliser le projet d’aménagement. Ils mènent bataille avec les associations et les élus pour faire interrompre les travaux engagés et protéger le site. En 1993, le permis de construire, délivré par le préfet, est annulé, après un bras de fer juridique entre riverains et promoteurs.
Certains ouvrages sont sortis de terre, de part et d’autre du château, aux deux extrémités de la zone urbanisable. Dans l’axe de l’orangerie, les potagers, les serres et les murs à fruits ont été rasés pour construire le flanc est du projet. Un an après, les travaux sont définitivement arrêtés.
Les constructions sorties de terre aux deux extrémités de la zone urbanisable occupent pendant plus de 10 ans les bois. Elles ne seront détruites qu’en 2006. Bussy-Saint-Martin, le Parc de Rentilly. © Epamarne / Eric Morency, 2004
Tempête de 1999
4500 m3 d’arbres couchés, cassés ou dangereux seront abattus.
Le Parc de Rentilly après la tempête de décembre 1999. © Epamarne / Eric Morency, janvier 2000
Alors que la tempête Lothar de 1999 balaie l’Europe et couche une partie du bois de 19 ha, les silhouettes de quelques constructions encombrent encore le paysage de Rentilly. Elles ne seront détruites qu’en 2006. Aujourd’hui les bois se sont reconstitués sur les zones détruites par la tempête comme par les hommes et l’ensemble se régénère assez naturellement. La faune locale s’y réfugie toujours. Longtemps dédiés à la chasse, ces bois s’étendaient autrefois au-delà des limites actuelles du domaine.
La Communauté d’Agglomération de Marne et Gondoire
La CAMG va reprendre en main l’ancien domaine au début des années 2000.
Sous l’impulsion de Michel Chartier, président de l’intercommunalité jusqu’en 2015, après des années d’abandon, puis des années de chantier, de friches, et une tempête exceptionnelle, la CAMG entreprend la restauration de l’ensemble du domaine. Les constructions sont peu à peu démolies, les bois replantés au nord, un espace de stationnement aménagé pour les visiteurs au sud.
Le Parc se redessine progressivement dans la première décennie du XXIe siècle, et les bassins sont remis en eau. © IGN, 2009
Elle y installe son siège, plante, remet en eau les bassins, réinvestit le projet de parc paysage afin de l’ouvrir au public et d’y développer des projets culturels ambitieux.
Perspective à la française
Construction et dissolution d’un paysage
Ici, à quelques pas de l’extrémité sud-ouest du domaine, vient s’éteindre sur le bassin de Diane et cet amphithéâtre de verdure, la perspective à la française.
La construction d’une perspective
Comme les façades principales du château, la perspective se construit autour d’un axe de symétrie.
Initialement conçu comme le prolongement du château, l’axe, parallèle aux limites sud-est du domaine, ordonne sur 368 mètres l’aménagement paysager de 9 ha. La perspective est servie par le remodelage léger des sols, qui s’appuie sur la déclivité du site.
La perspective vers le château sur la prairie, vue du bassin, au pied de Diane. Son socle paré de céramiques émaillées blanches - création de l’artiste Stéphanie Buttier - se détache du fond de scène offert par le plessage de frênes et s'entre aperçoit des fenêtres du château. ©CAUE77, 2023
Le château paraît ici posé délicatement sur la prairie. Les trois bassins en cascade se découvrent en léger contrebas. D’une surface de 3000m2, ils enrichissent la perspective, et offrent au château, un miroir d’eau.
Innovation à Rentilly
En 1865, Edouard André confie à François Coignet la réalisation des miroirs d’eau en béton aggloméré.
Industriel, ce dernier développe depuis quelques années l’usage de ce matériau innovant dans la construction de bâtiments comme d’ouvrages d’infrastructures. Son nom est associé à toute l’histoire du béton armé, de la préfabrication, de la précontrainte jusqu’aux années 1980.
Le château de style Louis XIII se reflétant dans le miroir d’eau. © D.R
Édouard André renforce par ailleurs la perspective en prolongeant les alignements de marronniers existants par des alignements de tilleuls.
De l’art dans la perspective
Comme à la fin du XIXe siècle, le XXIe siècle réintroduit la sculpture dans la perspective.
Passionné d’art, Édouard André, dont la collection donnera naissance au musée Jacquemart-André, fait agrémenter la perspective de sculptures en fonte ou pierre, celles-ci ont disparu à l’exception de Diane.
Terrasse et bassins en béton aggloméré du château de Rentilly. La terrasse offre un point de vue privilégié sur le château et ses reflets dans les miroirs d’eau. Elle disparaît dans les années 1950. © D.R
En 2007, Stéphanie Buttier, artiste plasticienne, intervient sur son socle et conçoit le plessage de frênes. Elle réalise les gradins en céramique et y introduit un extrait de Pyrénées ou le Voyage de l'été 1843 de Victor Hugo. Ces gradins qui accompagnent la rupture de pente remplacent la large terrasse, disparue dans les années 1950, qui surplombait les bassins.
Installations en demi-cercle marquant la rupture de pente et soulignées par une céramique blanche. Réalisation Stéphanie Buttier. ©CAUE77, 2022
Un effet d’optique inattendu
Pendant des décennies, le château Louis XIII va se refléter dans l’eau des bassins.
La transfiguration contemporaine du château a entraîné un basculement inattendu des perspectives et des reflets. Le château devenu miroir, c’est le site entier, en raison de sa déclivité, qui vient se refléter sur cette façade pour finalement s’y fragmenter et s’y dissoudre. À la surface de l’eau, les deux effets miroirs semblent s’entrechoquer.
Le reflet du château se dissout dans le bassin. ©CAUE77, 2022
Le bassin qui fait toujours miroiter les arbres semble pourtant absorber l’image du château, comme impuissant à réfléchir l'évanescence.
Le château
©Bona-Lemercier
Un patrimoine en perpétuel devenir
Après la reconquête du parc et des bois, le château de Rentilly, qui n’est plus que l’ombre de siècles d’histoire, est en 2011, un patrimoine à réinventer.
Le château de 1954
Rasé à la suite de son incendie en 1944, il est reconstruit 10 ans plus tard.
L’édifice qui est construit a perdu toute facture et s’inscrit dans le déclin industriel d’une famille. Les pièces sont sans volume, en enfilade. Les combles qui accueillent encore du personnel de maison sont sans jour. Il sera pillé et vandalisé. Sa restauration n’a de sens qu’au service d’une ambition culturelle. Le château de 1954, auquel les riverains restent attachés, va être conservé mais sublimé pour retrouver toute sa place dans le dispositif paysager élaboré depuis des siècles.
Le château de 1954 en cours de transformation. Pose de la structure, des fenêtres miroir, et de la façade d’inox poli. © Florian Kleinefenn, 2013-2014
Vers une dimension artistique et atypique forte
Après avoir envisagé une simple mise au norme, la collectivité choisit de lancer un projet d’envergure.
La proposition artistique et architecturale des lauréats de l’appel à projet de 2011, lui offre une incroyable métamorphose. Elle est en 2014, à la fois une œuvre d’art et un lieu consacré aux expositions, conformément au souhait de la collectivité qui recherche « une architecture avec une dimension artistique et atypique forte ».
Choisir l’architecture et le paysage, Métamorphose. © Martin Argyroglo
À l’instar des générations de propriétaires qui se sont succédés, la Communauté d’Agglomération de Marne et Gondoire choisit l’architecture comme expression de la culture.
En mouvement, toujours
Cette intervention s’inscrit dans le continuum de cinq siècles de transformations, de démolitions et de reconstructions du château, de compositions et de recompositions de ses espaces paysagers. Chacune de ces évolutions est propre à son temps, mais aussi à l’histoire singulière de chacun des occupants, à sa sensibilité et à sa bonne ou mauvaise fortune.
Rentilly sublimé. © Martin Argyroglo
Du fronton de pierre à l’inox poli
Six châteaux se succèdent depuis le début du XVIe siècle.
Le château à l’Italienne du marquis René Thomé achevé vers 1780, est le socle des transformations à venir jusqu’en 1944, lorsqu’il est détruit par l’incendie puis totalement arasé. Il est déjà la troisième version d’un premier château construit au début du XVIe siècle par Jean Bourdereul et reconstruit par Jean de Ligny en 1599. Le fronton, qui couronne la partie centrale du bâti et marque l’axe de symétrie, est un élément architectural qui traverse le temps depuis la fin du XVIIIe siècle. Repris en 1954, dans le cadre de la construction de la 5e version du « château », il marque aujourd’hui encore les façades miroir du château de Rentilly.
La porte dérobée
© Martin Argyroglo
Des racines aux cimes des arbres
L’édifice est grandi par la métamorphose proposée par Xavier Veilhan, et retrouve sa place dans le dispositif paysager, avec sa silhouette surplombant le parc.
Une porte à franchir
Rejoindre l’entrée du château musée intercommunal. © Martin Argyroglo
Son aspect inattendu, confondant les limites entre architecture et nature, invite le promeneur à s’approcher. Son accès, qui ouvre une tranchée pour rejoindre les fondations austères du château du XVIe siècle, est une surprise. Si elle paraît contraster avec l’éclat et la majesté de ses façades, cette porte dérobée propose la première séquence d'un parcours initiatique dans le temps, et qui mène de la terre au ciel, des racines aux cimes des arbres.
Un château traversé par le paysage
Les travées centrales de chacune des façades cachent des portes qui permettent de traverser le château du nord au sud.
Lorsque les portes du château miroir s’ouvrent. © Martin Argyroglo
Les autres travées accueillent comme par le passé des fenêtres, réinterprétées en larges fenêtres-miroirs qui se distinguent imperceptiblement le jour, et affirment le rythme des travées la nuit, lorsque les plateaux sont en lumière. Le château qui paraît monolithique et sur lequel semble glisser le temps, les nuages et le vent, offre à ses visiteurs des vues généreuses sur la nature environnante.
Un Parc culturel
Avec la création en 2006 du Parc culturel de Rentilly, les générations actuelles et à venir sont invitées à s’emparer de ce patrimoine.
L’espace d’exposition du musée à sa livraison en 2014, Parc culturel de Rentilly. © Florian Kleinefenn
Comme par le passé, le lieu poursuit son renouvellement, en préservant ses liens privilégiés avec l’art, la culture et le paysage : le musée Gatien-Bonnet, anciennement latignacien, s'y installe en 2022 et devient ainsi le musée intercommunal du château de Rentilly.
Ce qui fait patrimoine
Une implantation majestueuse. © Martin Argyroglo
Par sa peau miroir, le geste artistique de ce siècle révèle, comme en d’autres temps mais autrement, ce qui, en ces lieux, fait patrimoine : une implantation majestueuse et des vues lointaines sur un paysage en perpétuel devenir.
Activités annexes
Accéder au au parcours
Vélib'
Espace véligo à proximité de l’entrée nord de la gare du RER A – Station Torcy.
RER
RER A – Station Torcy – sortie 1 puis à pied (20 minutes).